En vue : Hassan Rohani
Les manifestations qui secouent l’Iran depuis une semaine mettent en porte-à-faux son président modéré, réélu confortablement il y a 8 mois.
De l’immense jeu de dupes qu’est devenu l’Iran, le président Rohani comptait bien sortir vainqueur. Elu en 2013 puis en 2017 sur une ligne modérée, il n’aura fait, comme l’un de ses prédécesseurs, lui aussi considéré comme un modéré – Mohammad Khatami –, qu’offrir de la République islamique d’Iran un visage présentable au monde. Sans que cela l’empêche de conduire une politique intérieure et extérieure dictée par les mollahs et surveillée de près par les pasdaran (les gardiens de la révolution) : théocratie musulmane dans le pays, soutien des pays ou des mouvements chiites frères à l’étranger (Syrie d’Assad, Hezbollah du Liban, Houthis du Yémen, etc.). A-t-il cru, comme Gorbatchev en URSS, que le temps était venu de lancer une politique de perestroïka persane qui ne serait pas seulement verbale en commençant par assouplir la législation locale sur le port obligatoire du voile pour les femmes ? A-t-il senti monter une exaspération sociale telle qu’il a considéré nécessaire d’accomplir un geste pour éviter une explosion dont il aurait été, à plus ou moins long terme, la victime ? Toujours est-il que sa décision spectaculaire, tel le célèbre battement d’ailes du papillon, a semblé donner justement des ailes aux Iraniens fatigués par quarante ans de dictature.
Sans doute les manifestations qui, depuis une semaine, se multiplient dans tout le pays – au contraire de celles de la révolution verte de 2009, cantonnées à la capitale – n’ont-elles que peu à voir avec le mouvement d’émancipation féminine symbolisé par l’image iconique de cette femme, dans une rue de Téhéran, agitant au bout d’un bâton le foulard dont elle s’est débarrassée. C’est davantage le ras-lebol contre la cherté de la vie, le chômage, la corruption et l’absence de réformes sociales qui ont été à l’origine des premiers défilés, notamment dans des villes religieuses comme Mechhed et Qom. Et pour cause : il fait de moins en moins de doute que ce sont les conservateurs qui en ont été à l’origine, espérant par là fragiliser le président Rohani et ses envies d’assouplissement de la dictature religieuse. Mais rapidement, le mouvement s’est retourné contre eux : n’est-ce pas le coût de la guerre menée en Syrie et bruyamment soutenue par ces mêmes conservateurs qui a provoqué la baisse du niveau de vie de la population ? D’où le glissement des revendications vers des appels à se débarrasser du guide suprême en personne, Ali Khamenei. Mais aussi de Rohani, dont nul n’ignore qu’il est au fond partie prenante du régime. Car en Iran, quarante ans après le début de la révolution islamique à Qom, en janvier 1978, personne n’a oublié que parmi les jeunes clercs entourant à cette époque l’ayatollah Khomeyni figurait un certain Hassan Rohani. Ni que Gorbatchev fut lui-même emporté par le mouvement réformiste qu’il avait initié, tant il est vrai qu’on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment…