Le Figaro Magazine

En vue : Hassan Rohani

Les manifestat­ions qui secouent l’Iran depuis une semaine mettent en porte-à-faux son président modéré, réélu confortabl­ement il y a 8 mois.

- • JEAN-CHRISTOPHE BUISSON

De l’immense jeu de dupes qu’est devenu l’Iran, le président Rohani comptait bien sortir vainqueur. Elu en 2013 puis en 2017 sur une ligne modérée, il n’aura fait, comme l’un de ses prédécesse­urs, lui aussi considéré comme un modéré – Mohammad Khatami –, qu’offrir de la République islamique d’Iran un visage présentabl­e au monde. Sans que cela l’empêche de conduire une politique intérieure et extérieure dictée par les mollahs et surveillée de près par les pasdaran (les gardiens de la révolution) : théocratie musulmane dans le pays, soutien des pays ou des mouvements chiites frères à l’étranger (Syrie d’Assad, Hezbollah du Liban, Houthis du Yémen, etc.). A-t-il cru, comme Gorbatchev en URSS, que le temps était venu de lancer une politique de perestroïk­a persane qui ne serait pas seulement verbale en commençant par assouplir la législatio­n locale sur le port obligatoir­e du voile pour les femmes ? A-t-il senti monter une exaspérati­on sociale telle qu’il a considéré nécessaire d’accomplir un geste pour éviter une explosion dont il aurait été, à plus ou moins long terme, la victime ? Toujours est-il que sa décision spectacula­ire, tel le célèbre battement d’ailes du papillon, a semblé donner justement des ailes aux Iraniens fatigués par quarante ans de dictature.

Sans doute les manifestat­ions qui, depuis une semaine, se multiplien­t dans tout le pays – au contraire de celles de la révolution verte de 2009, cantonnées à la capitale – n’ont-elles que peu à voir avec le mouvement d’émancipati­on féminine symbolisé par l’image iconique de cette femme, dans une rue de Téhéran, agitant au bout d’un bâton le foulard dont elle s’est débarrassé­e. C’est davantage le ras-lebol contre la cherté de la vie, le chômage, la corruption et l’absence de réformes sociales qui ont été à l’origine des premiers défilés, notamment dans des villes religieuse­s comme Mechhed et Qom. Et pour cause : il fait de moins en moins de doute que ce sont les conservate­urs qui en ont été à l’origine, espérant par là fragiliser le président Rohani et ses envies d’assoupliss­ement de la dictature religieuse. Mais rapidement, le mouvement s’est retourné contre eux : n’est-ce pas le coût de la guerre menée en Syrie et bruyamment soutenue par ces mêmes conservate­urs qui a provoqué la baisse du niveau de vie de la population ? D’où le glissement des revendicat­ions vers des appels à se débarrasse­r du guide suprême en personne, Ali Khamenei. Mais aussi de Rohani, dont nul n’ignore qu’il est au fond partie prenante du régime. Car en Iran, quarante ans après le début de la révolution islamique à Qom, en janvier 1978, personne n’a oublié que parmi les jeunes clercs entourant à cette époque l’ayatollah Khomeyni figurait un certain Hassan Rohani. Ni que Gorbatchev fut lui-même emporté par le mouvement réformiste qu’il avait initié, tant il est vrai qu’on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment…

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69 ans, se trouve confronté à un immense mouvement de contestati­on qu’il a en partie contribué à faire naître.
Huit mois après le début de son second mandat à la tête de l’Iran, le président réformateu­r Hassan Rohani, 69 ans, se trouve confronté à un immense mouvement de contestati­on qu’il a en partie contribué à faire naître.

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