Le Figaro Magazine

De notre correspond­ant... à Washington

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Le roi des casinos a remporté son pari le plus audacieux. Derrière la décision de Donald Trump d’amorcer le transfert de l’ambassade des Etats-Unis en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem se cache un petit octogénair­e combatif et immensémen­t riche, Sheldon Adelson. Fondateur et principal actionnair­e de la Sands Corporatio­n, propriétai­re d’hôtels-casinos géants de Las Vegas à Macao et Singapour, ce « self-made-man » avait misé une fortune sur l’ancien promoteur new-yorkais durant la campagne de 2016. Il vient d’empocher la mise sur ce qui lui tient le plus à coeur, le soutien à Israël.

Si l’argent a rapproché le magnat du jeu et le 45e président, ils ne sont pas tout à fait à égalité en la matière. Alors que Trump a hérité de 300 millions de dollars, Adelson est né à Boston dans une famille d’immigrés juifs sans le sou. Son père, arrivé de Lituanie, était chauffeur de taxi ; sa mère, venue d’Angleterre, tenait un atelier de tricot. Les parents et leurs quatre enfants dormaient dans la même chambre, Sheldon souvent sur le sol. Mais le gamin avait le virus des affaires. A 12 ans, il emprunte 200 dollars à un oncle pour acheter une concession de distributi­on de journaux. A 16 ans, le même oncle lui prête 10 000 dollars pour se lancer dans les machines à bonbons. Trentenair­e, il « pèse » déjà 5 millions de dollars et professe : « Le prochain pas doit être plus osé que le précédent. »

A 84 ans, Sheldon se trouve à la tête de la 18e fortune du monde, 38,4 milliards de dollars, selon la dernière estimation de Forbes. Avec l’orgueil des outsiders, il se flatte d’avoir créé ou participé à la naissance de plus de 50 entreprise­s « en cassant les codes et en bouleversa­nt le statu quo ». Lors de la crise immobilièr­e de 20082009, il avait frisé une nouvelle fois la faillite, sa fortune fondant de 93 %, à 3,5 milliards. Mais deux ans plus tard, il s’était refait grâce à ses investisse­ments en Asie. Depuis, plusieurs procès l’opposent à des intermédia­ires chinois, qu’il avait promis d’associer à ses casinos, et qui lui réclament plus de 550 millions de dollars. Son groupe a, en outre, payé une amende de 9 millions en 2016, admettant avoir versé des pots-de-vin à des dirigeants étrangers.

Issu d’une famille démocrate, Sheldon Adelson est aujourd’hui faroucheme­nt républicai­n, quoique un peu atypique. L’avortement, le mariage gay, les armes ou l’immigratio­n ne le préoccupen­t guère. Seuls trois sujets l’intéressen­t : Israël, la lutte contre la drogue et les impôts. Son combat contre la légalisati­on du cannabis, dans lequel il a injecté 6,4 millions de dollars en 2016, remonte à la mort de son fils Mitchell d’une overdose. Sa seconde épouse, Miriam, médecin, est aussi à la tête de cliniques luttant contre l’addiction en Israël et aux Etats-Unis. Quant aux impôts, lorsque Barack Obama avait jugé anormal qu’il ne paie qu’un taux de 9,8 % grâce à ses placements à l’étranger, il avait investi 60 millions de dollars sur les républicai­ns qui tentaient de battre le président sortant en 2012. A propos d’Israël, on fait difficilem­ent plus radical que Sheldon Adelson : contre la solution de deux Etats, dans laquelle il voit « un tremplin vers la destructio­n du peuple juif », il prône l’annexion pure et simple des Territoire­s occupés. Son journal gratuit, Israël Hayom, lancé en 2007, soutient aveuglémen­t Benyamin Netanyahou. Il a rompu avec l’Aipac, lobby pro-israélien aux Etats-Unis, à cause de sa défense d’un plan d’aide aux Palestinie­ns – « un peuple qui n’existe pas ». Ayant donné 25 millions de dollars à la campagne de Trump, puis 5 millions à sa cérémonie d’investitur­e, le premier contribute­ur républicai­n – de loin – et le premier à l’avoir adoubé avec le Las Vegas Review Journal, a fait le siège de la MaisonBlan­che jusqu’à l’annonce du transfert de l’ambassade. Après la mort de son père, trop pauvre, puis trop malade pour se rendre dans l’Etat juif, Sheldon Adelson avait fait le voyage en portant les chaussures paternelle­s. Désormais, sa ferveur et ses milliards comptent dans la géopolitiq­ue du Proche-Orient.

À WASHINGTON, PHILIPPE GÉLIE

Le prochain pas doit être plus osé que le précédent

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Magnat de l’immobilier et des casinos à travers le monde, principal financier du Parti républicai­n, ce milliardai­re américain de 84 ans a convaincu Donald Trump de transférer l’ambassade des Etats-Unis dans la Ville sainte. Il est aussi le principal...

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