Le Figaro Magazine

AVOIR LA FRITE…

- NICOLAS UNGEMUTH

L’heure est grave. La frite se délite…

Rappel des faits : lorsque nous étions jeunes, nos grands-parents faisaient les frites dans les règles de l’art. Ils les découpaien­t en tronçons assez fins, les essuyaient, les faisaient cuire en deux bains, ayant choisi au préalable la pomme de terre adéquate. Elles ressortaie­nt de l’huile blondes et craquantes. C’était tellement de travail que cet accompagne­ment n’était servi qu’à l’occasion, et parfois avec un steak de cheval (spécial végan). C’était, pour les enfants, jour de fête. Aujourd’hui, plus personne n’a le temps ni la patience de faire cela à la maison : pour les enfants, ce sera les frites au four. Alors, on décide d’en profiter au restaurant, où l’on paye pour que les cuisiniers fassent le travail à notre place.

Hélas, la frite est triste dans les tavernes. Tout d’abord, la plupart du temps, elle est surgelée : c’est la frite en carton. Sinon, elle est flasque : c’est la frite en guimauve. Une frite marronnass­e et molle comme une chanson de Vincent Delerm, quand on l’aime drue, sabre au clair… Elle dégouline d’huile, avachie dans l’assiette. On ne se fatigue plus à l’éplucher, la peau, c’est bon pour les vitamines ! Et puis, ce ne sont plus des frites mais des bûches. Certains, toujours lettrés, les surnomment « potatoes », ce qui revient au même que de servir une bavette en la baptisant boeuf. Enfin, un dernier snobisme idiot consiste à les présenter dans de faux morceaux de journaux, comme cela se pratiquait en Angleterre. On met donc dans l’assiette ce qui a été inventé pour manger debout. Autre sophistica­tion superflue, les frites sont servies dans de mini-pots de fleurs en aluminium, ce qui les rend impossible­s à saler. On attend la Chateldon servie directemen­t à l’abreuvoir.

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