Le Figaro Magazine

LES FAUSSES NOUVELLES, OFFENSES À LA LIBERTÉ

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La chasse à la fausse nouvelle est presque aussi vieille que les lois sur la presse. Elle est explicitem­ent prévue dès le décret organique du 17 février 1852. Son article 15 dit : « La publicatio­n ou la reproducti­on de nouvelles fausses, fabriquées ou mensongère­ment attribuées à un tiers, sera punie d’une amende de 50 francs à 1 000 francs. » Elle est aggravée en cas de mauvaise foi ou d’atteinte à la paix publique ; la peine peut aller jusqu’à un an de prison. Or ce décret est resté célèbre, d’abord parce qu’il est signé Louis Napoléon, encore président de la République, ensuite parce qu’il soumet la parution des journaux à une « autorisati­on préalable » - ce qui ruine toute liberté de la presse ! Et pourtant son article 15 sera intégralem­ent recopié par la première loi sur la liberté de la presse, celle du 29 juillet 1881 signée par Jules Ferry. Loi reprise et complétée par le décret-loi du 30 octobre 1935, de Pierre Laval, qui inclut le moral des armées dans la notion de paix publique, puis par l’ordonnance du 6 mai 1944, signée par le général de Gaulle ; texte toujours en vigueur dans son article 27, dont la dernière modificati­on date de septembre 2000 : l’amende, bien des fois réévaluée, est portée à 45 000 euros…

Une telle continuité entre tous les régimes depuis un siècle et demi a une explicatio­n : la liberté ne va pas sans responsabi­lité. Les ordonnance­s de la Libération y insistent : tout écrit publié (et par extension diffusé sur tout support) doit avoir un responsabl­e, appelé à répondre devant les tribunaux. La fausse nouvelle, ou la diffamatio­n, ne peut plus être anonyme : elle a son auteur. Cela est resté vrai jusqu’à internet, réseau planétaire et non plus national, et règne de l’anonymat.

Sous ce parapluie déferlent les « fake news », ces fausses nouvelles mondialisé­es par les réseaux sociaux et dénoncées par Emmanuel Macron le 3 janvier. Or il y a toujours quelqu’un derrière l’écran – et pas seulement un algorithme… Ce que de Gaulle cherchait en 1944 dans la presse, tous les dirigeants actuels, Macron en tête, veulent le trouver sur internet : le responsabl­e, l’auteur, et à la fin l’hébergeur. Le réseau Twitter refuse radicaleme­nt de s’incliner devant une loi nationale. Eh bien, on ne tardera pas à savoir qui sera le plus fort.

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