LA DÉRIVE D’UN TRIBUN
★★ PHILIPPE HENRIOT. LA RÉSISTIBLE ASCENSION D’UN PROVOCATEUR, de Christian Delporte, Flammarion, 416 p., 25 €.
Le 28 juin 1944, le ministre de la Propagande de Vichy, Philippe Henriot (55 ans), était abattu par un groupe de résistants. La voix – nasillarde – de Radio Paris, silhouette efflanquée, visage taillé à la serpe, cheveu noir corbeau, qui déversait chaque jour sa haine, mourait en pyjama.
Ce fils d’officier, né à Reims, élevé dans la piété catholique, brillant élève – à 14 ans, il donne sa première conférence sur « la démoralisation de la jeunesse contemporaine » – aurait pu rester professeur d’anglais, châtelain en Dordogne et poète, si l’anticléricalisme du Cartel des gauches ne l’avait décidé à s’engager, comme journaliste, puis député. Polémiste redoutable, il devient le porte-parole du peuple catholique etele procureur des scandales de la
III République, souligne son biographe Christian Delporte, historien, spécialiste de la communication et directeur de la revue Le Temps des médias. C’est dans les années 1930 que, classiquement, Philippe Henriot se radicalise. Obsédé par la francmaçonnerie, anticommuniste virulent, il sombre dans la xénophobie. Pacifiste, munichois, anti-allemand, admirateur de Mussolini et, plus encore, de Franco, il s’engage dans la collaboration par fidélité à Pétain même si son influence sur les Français, comme en témoignent les archives des RG retrouvées par Delporte, se révélera modeste. Sa bête noire à Radio Londres est le chansonnier Pierre Dac, qui lui avait suggéré une épitaphe : « Philippe Henriot / Mort pour Hitler / Fusillé par les Français. » EMMANUEL HECHT