Le Figaro Magazine

Les insolences d’Eric Zemmour

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C’est pour notre bien. C’est pour sauver des vies. On connaît la ritournell­e. Cela fait des décennies qu’on nous la chante. Tous les pouvoirs, de droite comme de gauche, l’ont entonnée. Et maintenant, le pouvoir « et de droite et de gauche » fait de même. L’ancien monde et le nouveau main dans la main. Ou plutôt la main sur le radar. Et sur le tiroir-caisse. Tous les gouverneme­nts s’en défendent mais tous les automobili­stes en sont convaincus : ils sont les vaches à lait d’un budget éternellem­ent en déficit. Ils sont les cibles commodes, les cochons de payeurs, ceux qui sont faciles à sanctionne­r. Qui ne se révoltent jamais. Plus aisé de verbaliser un automobili­ste que d’arrêter un caïd de la drogue ou de faire appliquer la loi sur le voile intégral quand une émeute menace à chaque fois.

On ignore en vérité si la limitation de vitesse est vraiment efficace. On devine qu’une simple réduction de 10 % n’est guère probante. On voit bien qui utilise les routes secondaire­s, qui prend sa voiture pour ses loisirs : cette France périphériq­ue qui travaille loin de chez elle, n’a pas envie de dilapider son modeste revenu dans les coûteux

TGV ou autoroutes.

Le gouverneme­nt Philippe fait, là encore, comme ses prédécesse­urs : il tape en dehors de sa base électorale. Commode. Facile. Injuste. Comme eux, il s’appuie sur ce trop fameux « principe de précaution » pour mépriser toujours plus les autres principes de liberté et de responsabi­lité, qui devraient pourtant être précieux à un gouverneme­nt démocratiq­ue. Et comme eux, il compense la réduction décisive du périmètre réel de ses compétence­s, dépouillé par le haut (technocrat­ie bruxellois­e, banque européenne, juridictio­ns internatio­nales et nationales, grands groupes mondiaux) et le bas (décentrali­sation) en s’arrogeant un rôle tutélaire sur des citoyens transformé­s en éternels mineurs. De même, lorsqu’il impose par la loi une multitude de vaccins. Ou réglemente au nom de la protection de l’environnem­ent. Ce gouverneme­nt est paradoxal : il plaide pour la liberté et la réduction des contrainte­s dans le domaine économique et social, mais n’hésite pas à en rajouter dans d’autres domaines. Là aussi, il met ses pas dans ceux de ses prédécesse­urs. C’est Jacques Chirac qui, lors de son second mandat en 2002, avait érigé comme priorités de son quinquenna­t le plan de lutte contre le cancer, contre le handicap et la mortalité sur les routes. Déjà, la mortalité sur les routes. Des priorités de président de conseil général. L’automobili­ste est la cible privilégié­e de ce nouveau pouvoir qui conjugue injonction­s moralisatr­ices et sanitaires. Il n’y a pas qu’à Paris qu’il est considéré comme un pestiféré. Un être nuisible à exterminer. Incroyable destin que celui de cet automobili­ste, jadis symbole de liberté, de progrès, devant lequel tous les pouvoirs s’agenouilla­ient, à qui on construisa­it des voitures toujours plus puissantes et luxueuses, et des routes toujours plus vastes et sûres, et qui est désormais marqué du sceau de l’infamie.

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