L’affiche/Les passe-temps d’Eric Neuhoff
Voir ce que l’on voit, croire ce que l’on voit et croire ce que l’on croit. A rebours d’une pensée dominante qui refuse de mettre les mots sur les choses quand elle accepte de les constater, Nicolas Fargues poursuit son admirable oeuvre littéraire solitaire et quasi houellebecquienne : dire le monde tel qu’il est autant que tel qu’il le ressent. Après des textes très réussis radiographiant notamment l’univers de la télévision (One man show), de la starisation (Beau rôle) et de l’exil exotique (Rade Terminus), le romancier, qui n’a jamais craint de se colleter des sujets ultrasensibles ni de titiller les esprits les plus susceptibles, s’attaque à un Everest : la femme noire française contemporaine. En se glissant dans la peau d’une trentenaire d’origine camerounaise aux amours tumulteuses entre Paris et la NouvelleZélande, il tente d’embrasser tous les thèmes qu’on associe à cette figure : de la nature des cheveux (Rokhaya Diallo va adorer) aux rapports avec sa famille et le pays de ses ancêtres en passant par le sentiment de victimisation, les complexes, les interrogations paranoïaques, etc. Roman réaliste, voire naturaliste, d’une grande finesse psychologique, nimbé d’une sensibilité réelle et piqueté de drôleries verbales ou scénaristiques, Je ne suis pas une héroïne * confirme son auteur dans son statut de sain Nicolas.
* P.O.L., 263 p., 17 €.