Le Figaro Magazine

La page d’histoire de Jean Sévillia

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Jules Mazarin sera appelé au Conseil du roi dès la mort de Richelieu, en 1642, par un Louis XIII n’ayant plus que cinq mois à vivre. Il travailler­a aux côtés de la régente Anne d’Autriche, de 1643 à la majorité de Louis XIV, en 1651, puis avec ce dernier jusqu’à sa propre mort, en 1661. Pendant un peu plus de dix-huit ans, ce cardinal sera donc le ministre principal de la France. D’innombrabl­es livres lui ayant été consacrés, il est tentant de croire qu’on sait tout sur lui. Entré au service de la monarchie française à l’invitation de Richelieu, parrain du futur Louis XIV qu’il initiera aux affaires de l’Etat, très proche d’Anne d’Autriche à qui le liera une relation amoureuse avérée (ce qui ne veut pas dire consommée), découvreur de talents (c’est lui qui repérera Colbert) et fastueux mécène, Mazarin sera un grand serviteur de l’Etat, même s’il utilisera sa charge, selon un usage de l’époque, pour amasser une colossale fortune personnell­e. Tout cela, encore une fois, est archiconnu. Mais voici qu’un livre nous en dit plus en mettant en lumière un élément jusqu’alors sous-estimé. Olivier Poncet, ancien membre de l’Ecole française de Rome et professeur à l’Ecole des chartes, estime que Mazarin n’a jamais cessé d’être italien, clé qui explique l’étonnante trajectoir­e qui mènera ce diplomate pontifical désargenté jusqu’au gouverneme­nt du royaume. Mazarin « a adhéré pleinement au projet politique de la France pour l’Europe, observe l’auteur, mais n’a pas renoncé à être lui-même : un fils de Rome et de l’Italie, un cardinal et un ministre, un chrétien et un mécène ». L’enquête de Poncet, tout à la fois impeccable­ment documentée et rédigée d’une plume légère, reconstitu­e donc la formation romaine du cardinal, période où il a « tout appris et n’en a rien oublié », et son rapport à l’Italie après son accession au pouvoir à Paris, que ce soit sur le plan politique, religieux ou esthétique. Attaché viscéralem­ent à son pays d’origine, spécialeme­nt à Rome où « il a été présent quoique absent, et même d’autant plus présent qu’absent », Mazarin n’y retournera pourtant jamais puisqu’il avait voué sa vie à la France. Au passage, ce livre subtil explore ainsi la notion de patrie au Grand Siècle.

Mazarin l’Italien, d’Olivier Poncet, Tallandier, 287 p., 21 €.

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