Le Figaro Magazine

L’éditorial de Guillaume Roquette

-

C’est à ne pas croire. Voilà un an tout juste que Donald Trump est à la Maison-Blanche et pourtant – en tout cas à l’heure où nous bouclions ce numéro – la troisième guerre mondiale n’est toujours pas déclarée, pas plus que les Etats-Unis ne sont en révolution. Tous ceux (et Dieu sait s’ils sont nombreux) qui ont dépeint successive­ment le nouveau président en clown irresponsa­ble, en pitbull enragé et désormais en dément pur et simple se seraient-ils donc trompés ? N’en déplaise aux prophètes d’apocalypse, l’Amérique ne se porte pas si mal que cela. Economique­ment d’abord : la Fed vient de revoir à la hausse ses prévisions de croissance pour 2018 à 2,5 % et anticipe un chômage sous la barre des 4 %. Honnêtemen­t, nous aimerions bien en faire autant. Surtout que les impôts vont bientôt baisser comme jamais (Trump l’avait promis) et que Wall Street vole de record en record. Certes, le déficit commercial du pays reste abyssal, mais les prédécesse­urs de Trump ne faisaient pas mieux.

Du côté de la politique intérieure, le nouveau pouvoir a enregistré de sérieux revers, par exemple sur le démantèlem­ent du système de santé mis en oeuvre par Obama. Et le mur promis bruyamment à la frontière mexicaine relève toujours du fantasme. N’empêche : le nombre d’entrées clandestin­es aux Etats-Unis a connu une baisse record en 2017, un très grand nombre d’immigrés potentiels étant découragés par les propos belliqueux de Trump. Et si les dérapages verbaux de la Maison-Blanche se révélaient finalement efficaces ?

Prenons l’exemple de l’affronteme­nt avec la Corée du Nord.

Tout le monde a vilipendé le président américain pour ses menaces et autres insultes à l’endroit de Kim Jong-un, certains jugeant même les deux hommes aussi irresponsa­bles l’un que l’autre. Mais qu’en pensent les principaux intéressés, à savoir les Coréens du Sud ? Figurez-vous qu’ils viennent de reprendre le dialogue avec leurs frères ennemis. Et le mérite en reviendrai­t largement… à Trump, selon les mots mêmes du président sud-coréen. Tout simplement parce que rien ne vaut un bon coup de pression pour forcer une négociatio­n.

Il va falloir s’y faire : notre homme ne croit qu’aux rapports de force. Pour faire bouger les lignes, il est prêt à dénoncer l’accord sur le climat ou les traités de libre-échange signés par ses prédécesse­urs. Mais c’est aussi un pragmatiqu­e : son best-seller, écrit quand il était dans le business, s’appelle The Art of the Deal. Evidemment, ça vole moins haut que les mémoires de Kissinger, mais maîtriser l’art de la négociatio­n peut se révéler profitable quand on travaille dans le bureau ovale.

Plutôt que de pousser des hurlements d’indignatio­n à chaque nouvelle provocatio­n de Trump en le traitant de demeuré, mieux vaudrait essayer de comprendre où il veut en venir, en particulie­r vis-à-vis de nous autres Européens.

Et puis, il faudrait aussi admettre une chose simple, même si nous en avons perdu l’habitude : il arrive qu’un président élu parle et agisse d’abord pour satisfaire ceux qui ont voté pour lui.

N’EN DÉPLAISE AUX PROPHÈTES DE MALHEUR, L’AMÉRIQUE SE PORTE PLUTÔT BIEN

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France