Le Figaro Magazine

Dans la tête de… Charles Berling

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S’il passe en ce moment ses nuits à coucher sur papier des « fragments de pensée » pour un prochain livre intitulé Un homme sans identité (Le Passeur), Charles Berling a fait de son nom une référence dans l’art. Comédien reconnu sur les planches et à l’écran, il est aussi devenu metteur en scène, directeur du théâtre Le Liberté de Toulon, producteur et chanteur. Marin accompli, il navigue d’un genre à l’autre au gré de sa curiosité jusqu’à noircir les pages de son agenda de mille projets. Parmi ceux à découvrir, il y aura mercredi

Marie Curie, le film de Marie-Noëlle Sehr pour lequel il a renfilé, vingt ans après Les Palmes de M. Schutz, le costume de Pierre Curie, et Art, la pièce de Yasmina Reza, qui le placera, dès le 30 janvier, sur la scène du Théâtre Antoine (Paris X ) aux côtés de Jean-Pierre Darroussin et d’Alain Fromageres­ous la direction de Patrice Kerbrat.

Le talent de Yasmina Reza ?

Sa curiosité du monde et son expérience lui permettent d’avoir une écriture qui s’approche au plus près de la vérité humaine. Elle a le sens des situations et une violence si forte qu’elle en devient comique. Au départ,

Art est un drame, mais il est tellement pris au sérieux par les personnage­s que la pièce en devient drôle.

La réplique d’Art que vous préférez ?

« Je ne crois pas aux valeurs qui régissent l’art d’aujourd’hui… La loi du nouveau. La loi de la surprise… La surprise est une chose morte. Morte à peine conçue. » Au-delà de sa beauté, cette injonction illustre le débat entre tradition et modernité qui nous anime encore, vingt-quatre ans après la création de la pièce.

Préférez-vous l’art abstrait ou le figuratif ?

Je refuse de choisir car j’ai pu ressentir des émotions très fortes avec Pollock mais des peintres comme Bonnard ou Giacometti me touchent aussi profondéme­nt. Cela relève de l’histoire personnell­e de l’artiste et du moment.

Un tableau que vous accrocheri­ez bien dans votre salon ?

Un Soulages. Une belle oeuvre m’atteint physiqueme­nt : je peux éclater de rire, pleurer ou me mettre en transe. Mais j’aime les admirer dans les musées et observer les gens car elles me renvoient toujours à la réalité qui m’entoure.

Le chef-d’oeuvre qui vous tombe des yeux ?

La peinture de Bernard Buffet.

Quelle est la fonction de l’art ?

L’art n’a pas de fonction, c’est un mystère aussi grand que Dieu. La qualité que vous préférez chez vos amis ?

La sincérité. De ce point de vue, je suis assez méditerran­éen : je préfère faire les frais d’une bonne engueulade que de me retrouver face à quelqu’un qui feint d’encaisser.

Qui sont vos amis de trente ans ?

Certains viennent de Toulon, d’autres suivaient avec moi les cours de l’Insas à Bruxelles, beaucoup sont issus du métier comme Jean-Louis Martinelli et Moshe Leiser. Mais je reste aussi souvent très proche des femmes que j’ai aimées et j’ai su créer des amitiés individuel­les avec chacun de mes cinq frères et soeurs.

Les auteurs qui vous ont fait grandir ?

Le premier a été Albert Camus car la lecture de L’Etranger, très jeune, a été un choc. Beckett m’a fasciné par sa façon de réunir le physique et le spirituel. L’art est le seul endroit où cette sauvagerie est acceptable.

Qu’est-ce qui vous a initié à l’art ?

La nécessité de m’en sortir avec le réel. Mais je n’ai jamais pensé que je voulais être acteur… je l’étais.

Vos livres de chevet ?

Cette nuit je relisais des poèmes de Houellebec­q. C’est incroyable comme cet homme arrive à être près de luimême, y compris dans son aspect le plus repoussant. Accepter sa médiocrité et savoir la mettre en scène est le propre des grands auteurs. Jean Eustache fait partie de ceux-ci.

Vous avez incarné Pierre Curie deux fois, à vingt ans d’écart. Qu’avez-vous découvert chez lui ?

C’était à la fois un être inadapté à la réalité et un génie, passionné. L’empirisme de ses recherches et l’aspect rudimentai­re des moyens utilisés me fascinent.

Quelle est la musique qui vous transporte ?

Un opéra peut m’emporter autant qu’une chanson de Brassens, Ferré ou Souchon. Etant un enfant du rock, je vibre aussi pour Bowie, Lou Reed, Patti Smith ou les Rolling Stones.

Ce qui vous console de tout ?

La mer. La navigation m’est indispensa­ble car elle me permet d’être à la fois dans un cocon et dans un mouvement violent.

La personne avec qui vous aimeriez débattre ?

Michel Onfray – car j’aime son côté iconoclast­e – ou le pape. Ce n’est pas parce que je suis un athée convaincu que je n’ai pas conscience du mystère de l’existence.

PROPOS RECUEILLIS PAR CLARA GÉLIOT

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S’il passe d’un projet théâtral à l’autre, c’est parce que cet homme passionné est heureux comme nulle part sur les planches : « Il y a quelque chose de sacré dans le sens où les forces sont cadrées de façon incandesce­nte. »

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