Le Figaro Magazine

Le théâtre de Philippe Tesson

-

Une étonnante coïncidenc­e réunit à l’affiche deux pièces autour d’un thème rarement traité au théâtre : la relation entre l’art et la politique. Mieux, le hasard veut qu’elles aient toutes deux pour cadre l’Italie de la Renaissanc­e. Venise pour la première, une oeuvre du célèbre auteur anglais Howard Barker : Tableau d’une exécution (Théâtre du Rond-Point ; 01.44.95.98.21). Rome pour la seconde, d’un jeune écrivain français prometteur, Jean-Philippe Noël : Michel-Ange et les fesses de Dieu (Théâtre 14 ; 01.45.45.49.77). Et toutes deux traitent du conflit qui oppose le pouvoir politique et l’artiste autour de la finalité de l’art. Ici, à Venise, c’est le doge qui commande à un peintre renommé une toile en l’honneur de la victoire de Lépante. L’artiste, une femme de caractère, adepte d’un réalisme violent, exécute un tableau d’une immense ampleur, plein d’horreur, de sauvagerie et de sang. Elle veut célébrer la bataille et sa cruauté alors que le doge, lui, attendait qu’elle célébrât la victoire et sa magnificen­ce, à la gloire de Venise et à sa propre gloire. Elle a fait une oeuvre d’art et de vérité quand il espérait, lui, un événement au service de ses intérêts politiques. « L’art, dira-t-il, est opinion, et l’opinion est source de toute autorité… Les artistes ne peuvent pas comprendre les problèmes de gouverneme­nt. » Là, à Rome, le conflit est d’un ordre voisin entre Michel-Ange et le pape Jules II. Celui-ci commande au sculpteur de peindre le plafond de la chapelle Sixtine. Au terme d’un long travail nourri d’épisodes savoureux entre ces deux fortes natures, l’artiste, dont la foi est ardente, propose au pape un chef-d’oeuvre qu’il a conçu à la seule gloire de Dieu alors que Jules II attendait que ce fût également à la sienne. Michel-Ange était inspiré par des sentiments de douleur, d’humilité et d’humanité. Il plaça une Bible dans la main de Dieu. Le pape, lui, voulait y mettre une épée, dans un environnem­ent de dorures et de fioritures... Rassurons-nous : dans les deux cas, c’est l’art qui triomphe. Les deux pièces, l’une et l’autre pleines d’intérêt, se distinguen­t fortement par leur traitement. La première, celle de Barker, plus ambitieuse, est alourdie par la mise en scène trop compliquée de Claudia Stavisky, en dépit de quelques beaux moments. Mais surtout Christiane Cohendy, qu’en général on admire, ne nous a pas semblé tout à fait correspond­re au rôle. La seconde, celle de Noël, dégage par sa simplicité, sa générosité, son humanité, bref ses qualités de vérité, un charme authentiqu­e auquel contribuen­t l’interpréta­tion de trois merveilleu­x acteurs – François Siener, Jean-Paul Comart et Jean-Paul Bordes – la mise en scène de ce dernier et la scénograph­ie de Nils Zachariase­n.

Michel-Ange plaça une Bible dans la main de Dieu

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France