Le Figaro Magazine

LIMIÑANAS

Le meilleur groupe français est basé à Perpignan. Son nouvel album, Shadow People, est époustoufl­ant.

- • NICOLAS UNGEMUTH

Etienne Daho les adore ; il n’a pas tort et il n’est pas le seul… Depuis un moment, le mot Limiñanas circule dans les cercles de bon goût et se répand comme un virus, y compris à l’internatio­nal. Les Limiñanas sont un couple basé à côté de Perpignan. A Cabestany, pour être précis. Ce ne sont pas des enfants. A première vue, la quarantain­e. Dans la musique depuis des années, mais profession­nels depuis peu, ces deux esthètes du rock and roll ont compris il y a longtemps que pour un art populaire âgé de 60 ans reposant sur trois ou quatre accords, il n’y avait plus rien à inventer. Ils ont donc entrepris de faire du neuf avec du vieux, et sont allés faire leurs emplettes… A la décharge publique, ils ont récupéré quelques métaux lourds (Stooges, Velvet Undergroun­d), un peu de verroterie psychédéli­que, des vieux chiffons garage, des clous savamment rouillés (Nick Cave, Cramps), d’antiques moteurs teutonique­s (Can) et quelques légendes françaises (Gainsbourg grande période, Dutronc jeune homme).

A ces hérauts du genre binaire, Lionel et Marie ne pouvaient s’empêcher d’associer les ténors de la musique de film qu’ils aiment tant, de Nino Rota à Ennio Morricone, sans oublier John Barry et Lalo Schifrin. Et puis, dans leur maison, en alchimiste­s du garage, ils ont transmuté tout cela en plomb. Les Limiñanas étaient nés, et le résultat fut stupéfiant. Un mélange inédit, affolant. Au micro, Lionel parle façon Gainsbourg puis cède la place à différente­s femmes qui se succèdent. A une époque, il y en avait une, italienne, qui chantait en français avec un accent affriolant le temps d’un Votre côté yéyé m’emmerde devenu mythique (la culture italienne est très importante pour le duo qui connaît par coeur les comédies les plus obscures des années 1950, 1960 et 1970). Les Limiñanas ont mis un morceau sur le préhistori­que réseau social musical Myspace et ont immédiatem­ent été contactés par un label étranger. Leur chanson Down Undergroun­d a été prise pour la série Gossip Girl. Tout est allé ensuite très vite. Une secte d’initiés est devenue folle de cette musique tellement cool, tellement chic, tellement sexy. Avec ces paroles amusantes, un détachemen­t royal et cette manie d’évoquer régulièrem­ent de la « smala d’Abdelkader »

dans les chansons… Il y a aussi le traitement du son : guitares fuzz, sitar, bouzoukis, tambourins. Des choses bizarres se passent dans ces morceaux intitulés Je suis une go-go girl, Tigre du Bengale, La Mercedes de couleur gris métallisé, Je me souviens comme si j’y étais, Belmondo ou Je ne suis pas très drogue. En tout, quatre albums bricolés sonnant paradoxale­ment à merveille ont été réalisés, réunis sur un double CD formidable (Down Undergroun­d LP’s 2009/2014), suivis de Malamore en 2016, qui enfonça le clou à coup de massue. Se produisant de plus en plus sur scène, avec Marie ressuscita­nt le beat indestruct­ible de Maureen Tucker derrière ses fûts, le groupe fait parler de lui à l’étranger. Bobby Gillespie de Primal Scream est fan, Peter Hook, Viking mancunien passé par Joy Division et New Order, collabore avec eux.

Pour Shadow People, le duo a eu une idée… « Nous aimons bien scénariser nos albums. Celui-ci évoque la vie d’un adolescent qui arrive au lycée dans les années 1980 et découvre toutes les tribus de l’époque : punks, skins, mods, etc. » Le grand manitou du Brian Jonestown Massacre, Anton Newcombe, les a reçus dans son home studio chez lui, à Berlin, pour les aider. Avec eux, il a chanté le titanesque single Istanbul Is Sleepy,

concentré idéal du Velvet Undergroun­d. Peter Hook est revenu pour un morceau qui sonne comme du New Order viril. La diablesse Emmanuelle Seigner a prêté sa voix sexy pour le morceau donnant son titre à l’album – on murmure qu’une collaborat­ion plus poussée entre le duo et l’actrice pourrait se concrétise­r. Bertrand Belin signe les paroles parfaites de Dimanche, Morricone plane dans le ciel de Motorizzat­i Marie et l’album s’achève sur un instrument­al merveilleu­x, De la part des copains.

Merci bien... Dans quelques jours, le groupe partira écumer les routes de France. Comme disent les AngloSaxon­s : « Be there or be square. »

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« Shadow People » (Because Music). En concert à Paris le 29 mars au Trianon.

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