AU COEUR DU CHAOS
Dans tous ses romans, Nadeem Aslam, né en 1966, parle du pays qu’il a quitté avec sa famille lorsqu’il avait 14 ans pour gagner l’Angleterre. Le Sang et le Pardon ne change pas la donne. Voici donc un pays où nous n’irons pas en vacances, le Pakistan. Un chaos en expansion où tout empire depuis des lustres. Dans la banlieue de Zamana est consigné le ghetto des chrétiens servant de domestiques aux musulmans. Les fous d’Allah sont en pleine prospérité tandis que même les modérés ne tolèrent plus ceux qui ont choisi la religion du Christ. C’est dans ce contexte très explosif que Nadeem Aslam plante sa folle histoire : celle d’un couple d’architectes athées dont le mari se fait tuer accidentellement par un agent de la CIA, mais aussi de leur factotum et de sa fille, tous deux chrétiens. La mère a été assassinée. A ceux-là s’ajoutera un jeune Cachemiri fraîchement échappé de camps d’entraînement et dont la famille a été massacrée par les Indiens antimusulmans. En fuite, le groupe doit survivre… Le Sang et le Pardon est un roman tendu comme un arc, où tout semble prêt à exploser d’une page à l’autre. D’ailleurs, tout finit par exploser. Un quartier chrétien est décimé, le patron d’un journal satirique est décapité dans une scène évidemment inspirée par le massacre de Charlie Hebdo.
Partout la haine suinte et finit par frapper. L’espoir est peut-être au bout, mais semble franchement très loin. Et la prose d’Aslam, comme avec ses précédents livres, mélange la poésie de l’Oriental avec l’effroi de l’expatrié consterné par la dérive de son pays.
Le Sang et le Pardon, de Nadeem Aslam, Seuil, 366 p., 22 €. Traduit de l’anglais (Pakistan) par Claude et Jean Demanuelli.