GUEULE DE BOIS
★★★ UNE QUESTION DE TEMPS, de Samuel W. Gailey, Gallmeister, 336 p., 21,30 €. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Laura Derajinski.
Alice ne s’est jamais remise de la mort accidentelle de son petit frère, dont elle se sent responsable. A 21 ans, à moitié SDF, elle traîne plus que jamais sa peine, tentant de noyer sa culpabilité dans le whisky et la vodka. Un matin pâteux, elle se réveille nue, vaseuse à souhait, dans un mobilhome crasseux dont elle n’a aucun souvenir, avec le cadavre d’un homme à ses côtés, et un gros sac plein de drogue et de dollars à ses pieds. Sans trop réfléchir, Alice embarque le grisbi et s’enfuit. Mauvaise pioche : un implacable truand et son cruel porte-flingue vont désormais tout faire pour récupérer leur bien… Trois ans après un fantastique premier polar pataugeant dans la neige d’un bled paumé (Deep Winter), Samuel W. Gailey confirme tout le bien que l’on pouvait penser de lui, grâce à cette sanglante chasse à l’homme. On retrouve dans Une question de temps un art consommé de l’intrigue solidement ficelée, une orchestration étincelante de la violence, une attirance pour les personnages bizarres (ici un monstrueux dealer « homme-enfant ») et surtout une profonde humanité, qui donne à ce frénétique roman noir – à travers le long chemin de croix d’une jeune femme meurtrie – toute sa puissance et sa profondeur.