REVUE PRESSÉE
La presse écrit n’importe quoi. C’est son rôle. Il ne faut pas croire tout ce qu’elle raconte. Sur l’affiche du dernier Woody Allen, la citation d’un critique proclame : « A couper le souffle ». Heureusement, les guillemets sont là. Elles marquent peut-être une certaine ironie. On peut penser ce qu’on veut de Wonder Wheel, mais une chose est certaine : on n’en sort pas avec des problèmes de respiration. La formule indiquée vaut pour un policier, un film d’épouvante. Le monde est ainsi, avide de superlatifs, gavé de compliments. Tout cet encens monte aux narines. On en perd le goût. Sur les colonnes Morris, l’épithète « sublime » fleurit. Le mot « chef-d’oeuvre » n’est pas rare. Sur Allociné, les étoiles pleuvent. On dirait qu’il n’y a plus de navets (nos espions assurent pourtant que la denrée n’est pas exactement en voie de disparition). Les César, toujours inspirés, ont créé cette année une nouvelle catégorie qui récompensera le long-métrage ayant réalisé le plus grand nombre d’entrées. Quelle trouvaille ! Pourquoi n’y avait-on pas songé avant ? Qu’attendent les Oscars pour imiter cette brillante initiative ? Cette plaisante agitation rappelle la phrase de Truffaut selon laquelle les gens avaient deux métiers, le leur et celui de critique de cinéma. Partout, des blogueurs étalent leurs avis. La toile grouille de sous-Bazin, de pseudo-Bory. La profession s’en empare goulûment, brandit leurs éloges avec fierté. Elle n’a plus besoin de ces pauvres journalistes qui ont passé des milliers d’heures dans les salles obscures, se sont abîmés les yeux à la Cinémathèque. Les producteurs rêvent de nous mettre au chômage. Ça serait d’un repos.
L’épithète « sublime » fleurit. On dirait qu’il n’y a plus de navets