VIVE LE ROI JEAN !
CHER JEAN DUJARDIN, si rire est le propre de l’homme, faire rire est sans conteste le propre de l’acteur que vous êtes. Sans vouloir vous réduire à cette fonction (The Artist notamment a montré que vous pouviez exciter nos glandes lacrymales parasympathiques autant que nos zygomatiques), permettez qu’on vous juge tellement supérieur aux autres dans ce registre qu’on guette vos apparitions dans des comédies avec la même impatience que Manuel Valls les opportunités de venir sur les plateaux de télévision dire ce qu’il pense de n’importe quel sujet (la neige, le Brexit, la sécurité routière, Maurras, la police, le Nutella, etc.).
Dans Le Retour du héros, le nouveau film de l’excellent Laurent Tirard (Molière, Le Petit Nicolas, etc.), vous formez, avec Mélanie Laurent, un duo comique jubilatoire et mémorable. Officier couard de l’armée napoléonienne (oui, il y en avait…), héros d’opérette autant que celui de ces dames par la vertu d’un gigantesque mensonge, vous incarnez un de ces personnages ambivalents qui font le sel des bons films de divertissement : tour à tour (et parfois concomitamment !) séduisant et répugnant, indécis et déterminé, sensible et froid, raté et chanceux, attachant et insignifiant, manipulé et manipulateur. Filmé avec la même intensité et la même empathie que Daniel Auteuil (Le Bossu) ou surtout Jean-Paul Belmondo (Cartouche, L’Homme de Rio…) par le regretté Philippe de Broca, vous êtes en effet « incorrigible » et « magnifique ». Jouant de votre art du mime et de la grimace, servi par des dialogues aux petits oignons, une narration et une mise en scène aussi soignées qu’ambitieuses, vous faites mieux qu’enchanter : vous rendez au film d’aventures en costume ses lettres de noblesse égarées par deux générations de réalisateurs-auteurs emportés par leur rêve absurde de nouvelle nouvelle vague. Leurs thuriféraires, qui confondent intelligence et intellectualisme, hurleront d’effroi devant Le Retour du héros : c’est bon signe. Mieux : la marque d’une oeuvre réussie. Post-apostrophum : après ce film, comment ne pas trépigner dans l’attente du retour de l’(anti) héros OSS 117 (annoncé pour 2019) ?