LE TERROIR MARTINIQUAIS EN MAJESTÉ
Sous l’impulsion de sa dirigeante Nathalie Guillier-Tual, la grande rhumerie du sud de l’île revit.
Certaines missions peuvent tirer en longueur. Ainsi, pour Nathalie Guillier-Tual, redresser la barre de l’entreprise La Mauny fraîchement rachetée par le groupe Chevrillon en 2012, avant d’en céder la gestion et rentrer à Paris dans la foulée, devait être l’affaire de six mois. Fondée en 1749 par le comte de Mauny, la propriété de 250 hectares dont 80 de champs de canne à sucre est alors anesthésiée. La présidente doit relancer la machine, conclure des accords avec 80 petits agriculteurs à qui la maison achète la majorité des précieuses cannes qui permettent de réaliser le rhum agricole. Depuis 1996, l’appellation impose que le spiritueux soit distillé à partir du jus de cette plante et non de mélasse allongée d’eau. Les cannes mûrissent par le bas, où le sucre est concentré. Pour le préserver, la coupe à la main – harassante par ce climat chaud et humide – est privilégiée. Toute la gamme aromatique s’étend le long des tiges : les notes fruitées au pied laissent place à celles de fleurs séchées sur les cimes. Comme elles pourrissent rapidement par leurs extrémités, il faut les transporter fissa à la distillerie où l’on mesure leur taux de brix (sucre), qui doit être de 25 % environ. Elles sont ensuite malmenées par une multitude de machines ferrailleuses, broyées et mouillées trois fois pour extirper 95 % de leurs sucres et obtenir le jus, appelé vesou, qui fermente jusqu’à titrer 5 degrés avant d’être distillé dans des colonnes d’acier géantes. Le tout dans un bruit assommant. Le résultat sera destiné à être blanc ou ambré. Dans le second cas, il se reposera de ces efforts durant quelques années dans d’anciens fûts de cognac, de bourbon ou de porto. La Martinique dispose d’une diversité de sols remarquable : magnésium, sédiments marins ou argile rouge. Autant de typicités que La Mauny met en avant dans des rhums généreux, aux saveurs épicées, minérales ou exotiques. L’entreprise remise sur pied a de beaux jours devant elle. Quant au retour à Paris de la dirigeante, il n’est plus d’actualité.