L’éditorial de Guillaume Roquette
QUAND LA JUSTICE TRAITE LES VICTIMES COMME DES AGRESSEURS
L’affaire a fait grand bruit au début du mois : des squatteurs occupent une maison en banlieue parisienne et refusent de déguerpir. A la police venue les déloger, ils opposent… le ticket de livraison d’une pizza prouvant qu’ils sont là depuis plus de 48 heures, rendant impossible une expulsion immédiate. Il faudra l’intervention musclée de jeunes de la cité voisine pour faire partir les roms qui avaient investi les lieux. Deuxième épisode : dimanche dernier, on interroge sur ce dossier le secrétaire d’Etat chargé du Logement au Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI. Julien Denormandie est formel : la police peut encore expulser des occupants illégaux après 48 heures… à condition toutefois qu’il s’agisse d’un domicile principal. Tant pis pour les malheureux propriétaires d’une résidence secondaire, ils devront engager une longue, coûteuse et aléatoire procédure judiciaire. Et qu’ils ne s’aventurent pas à vouloir récupérer eux-mêmes leur bien : leurs squatteurs pourraient les attaquer en justice pour violation de domicile ! Cette situation abracadabrantesque ne choque apparemment personne, et en tout cas pas le ministre en charge du dossier. Qu’importe si le droit de propriété est considéré par la Constitution comme imprescriptible : l’essentiel est de ne pas déranger ceux qui ont trouvé un toit à leur goût. « Le monde est plein de vertus chrétiennes devenues folles », écrivait Chesterton. Ainsi en est-il de la justice quand elle place les agressés en situation d’infériorité juridique par rapport à leurs agresseurs. Au nom du respect des libertés individuelles et des droits de la défense, c’est la victime qui se retrouve encourir les foudres de la loi. Et ça ne vaut pas que pour les squats : un commerçant n’a pas le droit d’afficher sur sa vitrine la photo du cambrioleur qu’il a identifié via sa caméra de surveillance. Même la police ne peut pas se défendre quand elle est attaquée, comme le prouvent les agressions dont elle fait quotidiennement l’objet.
« Nul n’a le droit de se faire justice soi-même » rétorqueront, à juste titre, les gardiens des grands principes. Certes, mais c’est néanmoins ce qui finit par advenir quand l’Etat n’est plus capable de défendre les citoyens. A force de renoncements, le risque est de revenir « à ce que les philosophes des Lumières appelaient l’état de nature, dans lequel les individus ne peuvent compter que sur leurs propres forces pour protéger ce qu’ils ont de plus précieux », relève l’Institut pour la justice, un think tank engagé aux côtés des victimes. On en a eu la démonstration dans l’affaire des squatteurs de la région parisienne : ils ont été délogés par des gros bras.
Il y a vingt-cinq ans, le maire républicain de New York, Rudolph Giuliani, avait mis en oeuvre dans sa ville la stratégie dite de la vitre brisée : tout délit, même le plus petit acte de vandalisme ou d’incivilité, était systématiquement et rapidement sanctionné. Comme on pouvait s’y attendre, la délinquance a spectaculairement baissé. Ne pourrait-on pas s’inspirer de cette politique, plutôt que de laisser les squatteurs déguster leurs pizzas ?