En vue : Jacques Brunel, opération survie
Le Gersois de 64 ans a été appelé cet hiver au chevet d’un XV de France en plein doute. Sa connaissance des hommes, ses paroles fortes et justes sont censées soigner les maux. Mais après deux défaites dans le tournoi des Six-Nations, sa situation est déjà
Regrette-t-il d’avoir accepté la proposition de son « ami » Bernard Laporte ? Peu probable. Jacques Brunel, voix rocailleuse et épaisse moustache, n’est pas du genre à nourrir des regrets, ni à se lamenter sur son sort. A 64 ans, il a accepté cet hiver le défi. Immense. Prendre la succession de Guy Novès, icône du peuple ovale de France, premier sélectionneur limogé de l’histoire du XV de France. Fin décembre, quand le président de la fédération l’a appelé à la rescousse, l’entraîneur lui a d’abord répondu « tu m’emmerdes ». Il faut le prendre comme une apostrophe affectueuse. Et la pleine conscience qu’il allait s’embarquer dans les ennuis. Puis il a dit oui. Fidèle en amitié. Soucieux, aussi, de l’intérêt général. On n’a pas le rugby chevillé au corps et à l’esprit depuis cinq décennies, dont trois à entraîner, pour déserter quand l’heure est grave. Déterminé. Mais pas naïf. « Pourquoi tout le monde me souhaite bon courage ? » avait-il ainsi lâché à l’heure des premières confidences médiatiques, peu après sa nomination. Pas son exercice préféré. Mais son bon sens paysan – l’image n’a rien de péjoratif pour ce fils de viticulteurs qui produisit lui-même un temps son propre armagnac – conjugué à une franchise n’incitant pas à la riposte lui permet de se tirer sans encombre de l’obligation.
De toute façon, sa préoccupation est autre. Jacques Brunel ne cherche pas à plaire. Il dit, c’est tout. Aux journalistes comme à ses joueurs. Technicien reconnu, capable de passer des heures à décrypter les tactiques adverses ou à en inventer d’innovantes, le Gersois de Courrensan est aussi à son aise à l’heure de puiser le meilleur dans les âmes. « Le rugby, c’est l’histoire des hommes », a-t-il coutume de répéter. Il est à l’écoute. Aux aguets. Sait quand il faut flatter, quand il faut sévir. Les joueurs exclus du groupe après la virée nocture dans Edimbourg, dimanche dernier, quelques heures après avoir perdu contre l’Ecosse, peuvent en témoigner...
Mais l’ancien arrière audacieux n’a pas non plus son pareil pour remonter les rudes avants, les envoyer au combat, au sacrifice. Le nouveau sélectionneur sait qu’après avoir perdu ses deux premiers matchs du Tournoi des Six-Nations, la défaite sera interdite face à l’Italie, vendredi 23 février, à Marseille. Face à une sélection transalpine qu’il dirigea de 2011 à 2016, il va lui falloir trouver les bons mots pour ragaillardir ses Bleus, leur éviter une humiliation de plus. De trop ?