Vu de l’étranger : Bruno Retailleau
Ils ont saccagé les églises avec une méticulosité terrible. Ils ne se sont pas contentés de les brûler, ils en ont détruit les images au burin, parfois taillées depuis des siècles dans la pierre. Leur objectif était clair : anéantir les personnes autant que leur culture. » De retour en France après un séjour en Irak début janvier, le sénateur de Vendée Bruno Retailleau, ancien fidèle soutien de François Fillon, détaille les exactions de Daech. L’agenda chargé de cette rentrée politique et le tollé dans l’Ouest provoqué par l’abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes n’ont pas émoussé sa mobilisation en faveur des minorités persécutées du Moyen-Orient. Cette mission de protection qui « est inscrite dans l’histoire de France depuis Saint Louis et François Ier », comme il aime à le rappeler, l’a conduit à reprendre la présidence, au Sénat, en sus de celle du groupe LR, d’un groupe de solidarité, de liaison et de vigilance concernant les chrétiens et les minorités.
Après trois ans d’efforts de la coalition internationale, le « califat » de l’Etat islamique a enfin été anéanti. Cependant, le traumatisme subsiste, comme la menace de résurgence : ce sont autant de freins au retour des déplacés. Ainsi, deux mois après que Bagdad a annoncé une victoire définitive contre Daech en Irak, chrétiens, yézidis et autres membres de communautés minoritaires sont loin d’avoir regagné leur maison. « Sur la plaine de Ninive, explique Bruno Retailleau, j’ai observé que dans les villes comme Qaraqosh où les chrétiens étaient majoritaires avant la guerre, une moitié d’entre eux est revenue s’installer. En revanche, déplore-t-il, dans une ville comme Mossoul, où leur sécurité n’est pas garantie car ils se sentent en minorité par rapport aux musulmans, ils ne sont pas rentrés. » Là
J’ai vu une lueur d’espoir s’allumer dans leurs yeux
pourtant, dans la grande ville du nord de l’Irak, 400 étudiants chrétiens, qui étaient partis étudier à Kirkouk, au Kurdistan irakien, sont courageusement revenus à l’université aux côtés des étudiants musulmans lors de la dernière rentrée. Autre signe d’espoir, après quatre ans d’un silence apeuré, Noël a de nouveau été fêté à l’église SaintPaul de Mossoul, en la présence de dignitaires musulmans. « Certaines personnalités se révèlent dans la tragédie »,
constate Mgr Pascal Gollnisch, directeur de L’OEuvre d’Orient, une ONG active qui finance des projets au plus près des populations. Bruno Retailleau se félicite à son tour des initiatives de solidarité locales qu’il a pu observer : « J’ai vu que dans un certain nombre de villages, des comités de reconstruction avec des bénévoles, parfois autour d’un prêtre, se montaient. Des Irakiens, toutes religions confondues, photographiaient les maisons détruites pour estimer les coûts de reconstruction. En l’absence d’aide de l’Etat, pour l’heure, ce sont plutôt les églises qui prennent en charge cet effort. »
Lundi dernier, une conférence des donateurs pour l’Irak s’est ouverte au Koweït. A la clé, des dons importants pour le pays, épuisé par quatorze années de conflit. Mais l’essentiel est ailleurs. Au-delà des dégâts matériels, c’est l’âme du peuple qu’il faut réanimer : « Nous devons aider à restaurer une certaine conception de la citoyenneté, seule apte à garantir la cohabitation de toutes les communautés religieuses au sein d’une même entité nationale. » A Bartella, Qaramlesh, Bashiqa où à Erbil où il a rencontré les déplacés, le successeur vendéen de Philippe de Villiers a entrevu « une lueur d’espoir s’allumer dans les yeux de (ses) interlocuteurs »
dès qu’ils ont compris qu’il était français. Là, certainement, puise-t-il quelques forces, voire, qui sait, cette fibre lyrique qu’on ne lui soupçonnait pas : « Les chrétiens sont un peu comme les abeilles dans l’environnement, note-t-il. Là où ils se trouvent, ils font le pont entre les religions et sont le signe de la bonne santé de la concorde civile. »
GUYONNE DE MONTJOU