Livres/Le livre de Frédéric Beigbeder
★★★ D’ANNUNZIO LE MAGNIFIQUE, de Maurizio Serra, Grasset, 702 p., 30 €.
Gabriele d’Annunzio (18631938) a été l’écrivain le plus admiré de son temps, de Joyce à Malraux. Mais aussi le plus caricaturé, en petit faune (1,64 m) priapique et esthète décadent. Victime de la jalousie et du personnage qu’il s’était forgé, l’Abruzzais « se dissimule avant de resplendir », avait pourtant prévenu son amie la danseuse Ida Rubinstein. Le raconter était un défi à la mesure de Maurizio Serra, diplomate italien et l’un de nos meilleurs biographes en langue française. Sa spécialité : les écrivains masqués. Il avait déjà fait un sort au caméléon toscan Malaparte et au Triestin « inapte à la vie » Italo Svevo. Il clôt, dans une réhabilitation élégante, sa trilogie des grands auteurs italiens, démêlant le vrai du faux chez ce prince des lettres et de l’ambiguïté : poète et affabulateur ; impulsif et calculateur ; amant sadique ; aventurier reclus en son palais du Vittoriale, sur le lac de Garde ; héros de la Grande Guerre et de l’éphémère Etat de Fiume (1920), puis dénonciateur du « carnage inutile » ; nationaliste ombrageux et méfiant à l’égard du fascisme. Mais D’Annunzio se lit-il encore ? Faites le test avec L’Enfant de volupté (Il piacere), où l’aristocrate romain Andrea Sperelli, artiste dandy, mi-don Juan, mi-chérubin, se débat entre érotisme et esthétisme. Une curiosité.
EMMANUEL HECHT