Le Figaro Magazine

BIEN PUNIR LES DÉLITS POUR ÉVITER LE PIRE

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Plus on tarde, plus ça coûte. Les élus qui vont étudier le projet de loi de réforme judiciaire devraient faire confiance aux vrais chiffres plutôt qu’aux idéologies du moment. Le ministère de la Justice a publié en décembre des statistiqu­es sur l’évolution des peines d’emprisonne­ment au cours des années 2004-2016 (Chirac, Sarkozy, Hollande). Que constate-t-on ? Une hausse de 17 % des condamnati­ons, deux fois plus de récidivist­es, une aggravatio­n de la délinquanc­e des mineurs et un volume d’emprisonne­ment qui gonfle encore de 12 % entre 2014 et 2016. Au final, on obtient la « surpopulat­ion carcérale ».

En soi, ces chiffres ne surprennen­t pas. Ce qui va en revanche à contre-courant de la vieille culture de l’excuse, c’est l’analyse du syndicat indépendan­t Unité Magistrats. Celle-ci montre en effet qu’ici, comme ailleurs, on traite les effets (la surpopulat­ion) au lieu de remonter aux causes (l’évolution de la délinquanc­e). Pourquoi une telle hausse des condamnati­ons à de la prison ferme si ce n’est parce que l’on n’a pas bien puni le petit délit ?

La peine la plus prononcée en France, c’est l’amende : 500 000 par an ! Qui dit amende dit infraction au code de la route. C’est vrai à 55 %. Le reste provient du trafic de stupéfiant­s (pour l’essentiel).Orsurles50­0 000amendes, le taux de recouvreme­nt varie entre 20 et 40 %… (Le ministère de la Justice n’en sait pas plus.) Ainsi, le petit dealer calcule très vite son rendement : sa recette est maximale pour un coût quasi nul. Voilà pourquoi il prend le risque d’être interpellé non pas une fois, mais cinq fois, dix fois, et va passer de l’amende (qu’il ne paiera pas) à la convocatio­n, à l’admonestat­ion, à la comparutio­n, etc., sans être jamais vraiment puni. Jusqu’au jour où, récidivist­e des petites peines accumulées, il va tomber sur un juge qui n’aura plus d’autre choix que de frapper fort, et de le condamner à de la prison ferme, et pour plus de deux ans !

Conclusion : ce n’est pas en étant gentil au premier délit que l’on évite la prison à la fin. Au contraire. « Le premier accroc coûte 200 francs », disait le message laconique de la BBC (repris par Elsa Triolet) pendant la guerre. Traduire : toute faute peut coûter cher. C’est la seule dissuasion pour s’épargner le pire.

Toute faute peut coûter cher : telle est la seule forme de dissuasion possible avec les délinquant­s

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