GORAN BREGOVIC : “J’AI UNE DEVISE : QUI NE DEVIENT PAS FOU N’EST PAS NORMAL”
Fervent défenseur du dialogue entre les cultures, Goran Bregovic, artiste iconoclaste et attachant né en ex-Yougoslavie, publie Three Letters From Sarajevo (Mercury). Une parution élégante où il fait coexister trois styles (oriental, klezmer et classique) et trois religions (chrétienne, juive et musulmane). Cet amoureux de la France, connu pour ses orientations musicales variées et ses collaborations avec Emir Kusturica, sort également une compilation baptisée
Welcome to Goran Bregovic (Wrasse Records).
Votre dernier album en quelques mots ?
C’est un disque plein d’utopie, mais à quoi ressemblerait le monde sans utopie ?
Avez-vous reçu une lettre inoubliable ?
Quand j’ai joué la première fois à Buenos Aires, j’ai reçu une missive du grand écrivain Ernesto Sábato, m’assurant que ma musique l’avait sauvé de la dépression.
Un souvenir marquant d’artiste ?
Pendant un concert au Grand Rex, je jouais avec un corset à cause d’un mal de dos. Une spectatrice s’est soudain assise sur mes genoux. Par chance, nous n’étions pas tombés.
Pourquoi êtes-vous devenu musicien ?
Les filles regardent plus les guitaristes que les mécaniciens…
Vos premières influences ?
Les musiques juives de mariage, les chants orthodoxes…
Votre plus grande fierté ?
Avoir été président du club de boxe de Sarajevo. Ce sport mériterait d’être enseigné à l’école.
Qu’aimez-vous à Sarajevo ?
J’y ai gardé mes amis de lycée.
A Belgrade ?
Tous les musiciens qui m’intéressent se trouvent dans un rayon de 200 kilomètres.
Et à Paris ?
Elle m’a accueilli à bras ouverts. Une autre ville où vous pourriez vivre ?
Istanbul ! C’est une ville jeune.
Que pensez-vous de la situation politique en Europe ?
Je déplore la peur de l’immigration qui règne partout.
Un écrivain préféré ?
Boulgakov, et toute cette génération de Russes qui ont produit tant de chefs-d’oeuvre.
Et parmi les auteurs français ?
J’ai appris votre langue en lisant Jean-Paul Sartre.
Vos films cultes ?
Ces dix dernières années, ce fut Slumdog Millionaire, de Danny Boyle, et La Grande Bellezza, de Paolo Sorrentino.
Où en êtes-vous de vos relations avec Kusturica ?
Je ne fais plus de musiques de films. Et comme dans ce milieu on ne se voit guère en dehors du travail…
Une boisson qui vous rend meilleur ?
Je ne bois pas, sauf du Jack Daniel’s sur scène. C’est plus prudent que des spécialités locales.
Dernier fou rire ?
J’ai beaucoup ri à la blague suivante : un petit garçon gitan surprend sa grand-mère devant un film porno. Il lui demande : « Qu’est-ce que tu fais ? » Elle lui répond : « J’attends de voir s’ils vont se marier. »
Un convive idéal ?
Eric Clapton ! Une personnalité formidable.
Qui regrettez-vous de ne jamais avoir rencontré ?
Steve Jobs ! Il a inventé une nouvelle révolution industrielle.
Un spectacle qui vous amuse ?
J’aime regarder les gens qui dansent dans les clubs.
Pour quel défaut avez-vous de l’indulgence ?
La stupidité.
Celui que vous ne pardonnez pas ?
Quand une personne mange de l’ail ou de l’oignon avant un rendezvous.
Votre parfum favori ?
Le mien : CK be, de Calvin Klein.
Avez-vous une passion cachée ?
Je savais bien dessiner.
Une table où vous avez vos habitudes ?
Je préfère ouvrir une boîte de sardines chez moi.
Votre devise ?
Celle de mon dernier disque : « Qui ne devient pas fou n’est pas normal. »