Livres/Le livre de Frédéric Beigbeder

★★★ KORNELIA, de Vincent Duluc, Stock, 203 p., 18 €.

Il venait d’avoir 14 ans. La télé lui offrait une promesse. A Bourg-en-Bresse cet été-là, cet été 76, l’adolescent vivait la nuit. Dans la nuit de Montréal, la nuit olympique et notamment à la piscine où une fille aux cheveux dorés à peine plus âgée que lui empilait records et médailles d’or comme autant de baisers volés. Ces choses-là ne s’oublient pas, ces choses-là sont comme des blocs d’enfance surgis à la mémoire et le moment venu Vincent Duluc saurait se souvenir de Kornelia Ender.

D’un côté donc, la plus lumineuse des suspicions, huit médailles olympiques entre 13 et 17 ans, de Munich à Montréal, des records du monde à la pelle, mais un pays qui n’existe plus, la RDA, né du songe fou de ses démiurges, et des pilules et des seringues pour travestir toujours plus la vérité et transformer les petites filles trop sages en tranny boys dédiés à l’avènement du socialisme. De l’autre, une plume, la meilleure plume sportive de ce temps, prouvant avec ce troisième livre, que ce qui relie les héros et les hérauts du sport, c’est aussi la littérature. Pour la première fois, Duluc abandonne sa chanson familière, le football (il y eut avant cela George Best, puis les Verts), pour autre chose. Il a bien fait. Avec ce qui demeure entre ses mains, le désir, la politique, la nostalgie, l’envie d’être ailleurs ou de s’y attendre, il joue toujours à domicile.