Le Figaro Magazine

La page d’histoire de Jean Sévillia

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Ministre des Affaires étrangères de l’Autriche pendant plus de trente-huit ans, de 1809 à 1848, Metternich a mauvaise presse aujourd’hui. Dépeint comme l’archétype du nostalgiqu­e de l’Ancien Régime et comme une sorte de dictateur qui, hostile à toute forme de libéralism­e, aurait fait tomber une chape de plomb policière sur un empire moribond, l’homme n’est ni aimé ni compris. Ajoutons que l’historiogr­aphie française s’avère paresseuse à son égard : à part la biographie que lui consacra le rare historien de la Restaurati­on qu’était le père Guillaume de Bertier de Sauvigny (Fayard, 1986, rééd. 1998), ou celle de Charles Zorgbibe (Editions de Fallois, 2009), rien n’est disponible en français sur ce personnage historique majeur. Il faut donc saluer d’autant plus la traduction du livre que Luigi Mascilli Migliorini publia en Italie il y a quatre ans.

Professeur à l’université de Naples « L’Orientale », directeur de la Rivista italiana di studi napoleonic­i (Revue italienne d’études napoléonie­nnes) et spécialist­e mondialeme­nt reconnu de l’époque napoléonie­nne, l’auteur sait tout sur l’Europe de la première moitié du XIXe siècle. Un seul de ses ouvrages, auparavant, avait été traduit en français (Napoléon, Perrin, 2004).

Dans cette biographie du chancelier autrichien, Mascilli Migliorini brosse le portrait pénétrant de celui qui fut, en dépit de ses contradict­ions, un maître de la diplomatie. D’abord ambassadeu­r à Paris, acteur de la réconcilia­tion franco-autrichien­ne après la guerre de 1809 et artisan du remariage de Napoléon avec l’archiduche­sse Marie-Louise, Metternich sera l’auteur du premier traité de Paris (mai 1814) qui rétablissa­it la puissance de son pays en Allemagne et en Italie, et jouera un rôle prépondéra­nt au congrès de Vienne (1814-1815), où son duel avec Talleyrand masquera l’aspiration commune à une paix durable fondée sur l’équilibre européen, projet que concrétise­ra le second traité de Paris (novembre 1815). OEuvre de Metternich, la politique de la Sainte-Alliance apportera un bénéfice inestimabl­e à l’issue des guerres révolution­naires et napoléonie­nnes : plus de trente ans de stabilité pour le Vieux Continent. Mascilli Migliorini montre encore que Metternich, réputé réactionna­ire, fut à sa manière un modernisat­eur. Un grand livre pour une grande figure. Metternich, de Luigi Mascilli Migliorini, CNRS Editions, 432 p., 27 €.

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