L’apostrophe de Jean-Christophe Buisson/Ecrans
CHERS SPECTATEURS CROYANTS, gloire à vous, le cinéma en pince pour les affaires religieuses en ce moment. Après la divine Apparition et en attendant The Resurrection, de Mel Gibson, trois films aux titres fleurant bon le Bon Dieu sont annoncés sur les écrans en cette période pascale.
Le premier s’intitule Marie Madeleine et consiste, avec de gros sabots nazaretho-hollywoodiens, à tirer (si l’on peut dire) la disciple du Christ vers une figure féministe avant l’heure. Passons.
Le deuxième a pour titre Jesús… et pour sous-titre Petit criminel. Feinte habile : il s’agit en fait d’un film sur un voyou chilien qui n’a de biblique que le prénom. Passons. Le troisième (déjà en salles ) est de Cédric Kahn : La Prière. Restons-y et longtemps : les films ne sont pas si fréquents, qui redonnent foi en l’homme et célèbrent sans niaiserie ni moquerie, avec sincérité et crédibilité, des valeurs aussi déclinantes que l’amour de son prochain, le pardon, la rédemption, la solidarité, la sympathie (dans son sens originel de souffrance partagée). L’histoire est celle d’un jeune héroïnomane breton, Thomas le bien prénommé, qui, pour sortir de son enfer, rejoint une communauté chrétienne cloîtrée à flanc de montagne au-dessus de Grenoble. Ici, en théorie, pas de drogue, pas d’alcool, pas de médicament, pas de cigarette, pas de fille ; de la discipline, des chants de paix, du vivre-ensemble pas laïc et obligatoire. Et de l’amour par paquets entiers. Bien entendu, Thomas peine au début. Outre la douleur du sevrage bio, toute cette tendresse désintéressée, cette chaleur humaine, ce souci de l’autre lui paraissent d’une violence inédite. Insupportable. Insurmontable. Et de les rejeter avec force. Mais le Paradis est pavé de mauvaises intentions. Et Cédric Kahn un cinéaste d’une finesse et d’une sensibilité exceptionnelles. Dire que le Bien peut aider à éloigner le Mal en unissant les hommes de bonne volonté par un lien affectif est une chose. Le mettre en scène à la hauteur du voeu pieux énoncé en est une autre. C’est fait et bien fait : il règne sur cette oeuvre magnifique et habitée un réel esprit sain.
Post-apostrophum : comme le christianisme, le cinéma est affaire d’incarnation. La preuve avec Anthony Bajon, touché par la grâce.