Le Figaro Magazine

LECTURE/POLÉMIQUE

Génération réenchanté­e

- Alexandre Devecchio Catholique débutant, de Julien Leclercq, Tallandier, 221 p., 16,90 €.

C’est la confession d’un enfant du siècle. Celle d’un jeune homme qui se rêvait en Frédéric Beigbeder et préférait la vodka à l’eau bénite. D’un hédoniste qui s’est perdu en boîte de nuit avant de trouver le chemin de l’église. Né en 1985, Julien Leclercq a longtemps refusé de tendre l’autre joue avant de se faire baptiser, à l’âge de 30 ans. Dans Catholique débutant (Tallandier), un premier livre poignant et juste, il raconte l’itinéraire qui l’a mené à la conversion. Celui-ci n’a rien eu d’un sentier balisé. Comme Boris Vian crachait sur les tombes, enfant, Julien Leclercq a craché sur le Christ. La faute à la famille Le Quesnoy du film La vie est un long

fleuve tranquille et aux quelques camarades qui l’avaient ennuyé quand ils parlaient de leur religion. Adolescent, il s’est fait une fierté de ne jamais entrer dans une église, y compris pour une communion ou un mariage. Il pensait ainsi être « rebelle et moderne ». Plus tard, il comprendra qu’il ne faisait qu’obéir au conformism­e d’une époque qui rejette le sacré et considère le catholicis­me comme « ringard ». Et affirmera avec Milan Kundera que « le seul modernisme digne de ce nom est le

modernisme des antimodern­es ». Sa famille ne lui a pas donné d’« éducation religieuse » et pourtant ses parents sont peut-être plus chrétiens que certains chrétiens qui vont à la messe. Par leur humilité et leur courage, « ils ont à leur manière été les artisans de cette conversion

qui les a surpris », constate-t-il. L’épreuve du deuil est également passée par-là. Celui d’un copain d’enfance. D’une grand-mère adorée, seule catholique pratiquant­e de la famille. Le dimanche 12 avril 2015, il s’agenouille enfin devant Jésus pour demander la grâce du baptême. C’est le début d’une aventure à laquelle rien ne semblait le prédispose­r. La trajectoir­e de Julien Leclercq peut paraître singulière. En réalité, elle fait écho à la quête de sens et d’appartenan­ce de toute une génération. Que celle-ci passe par la religion ou non. Julien Leclercq est un enfant de l’ère du vide et de la fin des grands récits, de la destructio­n des nations et des familles, de la précarité sociale et amoureuse, de l’ubérisatio­n de l’économie et de la parentalit­é. Il a battu le pavé contre le CPE (contrat première embauche) avant de combattre aujourd’hui avec force la PMA et la GPA. Il est aussi l’enfant des collèges de banlieue sordides et violents. « J’ai été insulté parce que j’étais le seul Blanc de ma classe, se souvient Leclercq. Même si je ne voulais pas entrer dans une église, j’étais malgré tout “le catholique”. » Son baptême a eu lieu quelques mois après les attentats de Paris. Etait-ce un moyen d’affirmer son identité face à l’islam conquérant ? Leclercq revendique l’héritage chrétien de la France et s’inquiète du vide spirituel sur lequel prospère l’islam radical. Pour autant, sa conversion n’a obéi à aucun impératif idéologiqu­e, mais bien à une nécessité intérieure. « Lorsqu’une religion devient folkloriqu­e, le danger guette. Elle se transforme en un étendard brandi pour justifier un conflit », analyse-t-il… Il faut rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu.

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