BACK IN THE USSR
Mes provinciales de Jean Paul Civeyrac (sortie le 18 avril) est un film intéressant, mais là n’est pas la question. A un moment, les héros, qui sont des cinéphiles acharnés, regardent sur leur ordinateur un film de Marlen Khoutsiev. Vérification faite, ce réalisateur existe vraiment
(il y a des jours où notre inculture n’a pas de limites). Il est né en 1925. Son prénom est une contraction de Marx et de Lénine. Lourde hérédité. La Porte
d’Ilitch (1962) dure trois heures. On ne peut le voir que sur YouTube. Cela vaut la peine. Trois jeunes hommes apprennent la vie dans les rues de Moscou. Noir et blanc granuleux, mouvements de caméra à la souplesse de gymnaste, cette éducation sentimentale et politique n’a aucune leçon à recevoir de la nouvelle vague. Le mot chef-d’oeuvre s’impose. Quand on a tourné quelque chose comme ça, il ne reste qu’à mourir tranquille. Khoutsiev ne s’est pas donné cette peine. Il a plus de 90 ans, une moustache, des problèmes avec le pouvoir. Khrouchtchev protesta contre La Porte d’Ilitch qui dut être remontée. Poutine n’aide pas beaucoup le metteur en scène. Ce proche de Fellini est une légende. Aucun de ses films n’est sorti en France. Ils n’existent pas en DVD. Désormais, l’avenir va consister à se procurer Le Printemps dans la rue Zaretchnaïa, Les Deux Fedor ou Pluie de juillet. Si maintenant il faut louer des artistes soviétiques au patronyme imprononçable, ça ne va plus du tout.