LES RENDEZ-VOUS de J.-R. Van der Plaetsen
Inquiet de la toute-puissance de la société numérique, il dénonce les dangers du désir de transparence absolue de notre époque.
Tout le monde ignore, à l’exception d’Inès de La Fressange, sa femme, et de ses enfants, que le livre posé sur la table de chevet de Denis Olivennes, grand patron passé par Air France, Canal +, la Fnac ou le groupe Lagardère, est le Dictionnaire de la
France libre. Certains lisent de la poésie avant de trouver le sommeil, lui se plonge dans cette épopée déjà légendaire, addition de quelques milliers d’actes héroïques qui n’a guère d’équivalent dans notre histoire. Les Compagnons de la Libération, Olivennes les connaît tous – ou presque – et il en parle avec une émotion qui n’est pas feinte. « J’ai hérité de mon père, qui avait un culte barrésien de la patrie, une dette à l’égard de la France que je crois avoir transmise à mes enfants », dit-il. Avec ses trois fils, nombre de soirées se passent donc à débattre de l’identité du cher et vieux pays qu’évoquait le général de Gaulle. « Je suis très soucieux que la France se prolonge, dit-il. Mais je suis moins pessimiste que ne le sont mes enfants sur l’avenir de notre pays. » Et de détourner une phrase d’Henri de Kérillis, dont il peut citer par coeur plusieurs moments de grande éloquence : « Une chose est sûre : je ne laisse pas le social-démocrate parler en moi plus fort que le patriote. » Son nouveau livre – une réflexion sur le désir fou de transparence de notre époque, entretenu par le développement du numérique – est un signal d’alarme. Les nouvelles technologies nous libèrent-elles ou nous asservissent-elles ? Si l’exigence de transparence est légitime dans une démocratie avancée, elle peut vite conduire, lorsqu’elle n’est pas encadrée, à une forme de tyrannie de la vertu, de dictature de la bien-pensance et de primauté de l’émotion immédiate. Olivennes connaît ses classiques et croit à la force des secrets. Ce brillant essai est, en quelque sorte, son 18 Juin…
“Les technologies numériques façonnent une étrange société des ego qui nous suit, nous scrute et nous exhibe en toute circonstance”
MORTELLE TRANSPARENCE, de Denis Olivennes et Mathias Chichportich, Albin Michel, 200 p., 17 €.