Le Figaro Magazine

LA CHRONIQUE de François d’Orcival

Plutôt que commémorer à tout-va, ne devrait-on pas mieux enseigner l’Histoire ?

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La commémorat­ion de l’abolition de l’esclavage est un culte récent ; mais il fait déjà l’objet, comme tous les cultes, de querelles multiples. Notamment à propos de la date où il doit être célébré.

Une journée de mémoire, fixée au 10 mai, existe depuis 2006, la journée d’hommage aux victimes, le 23 mai, depuis l’an dernier. Mais Emmanuel Macron a choisi ce 27 avril pour prononcer son propre discours : la seule date, en fait, qui ait une significat­ion historique. Car c’est le 27 avril 1848 que fut signé le décret abolissant l’esclavage « dans toutes les colonies et possession­s françaises » (article 1er). Son rédacteur s’appelait Victor Schoelcher (18041893) ; sa dépouille fut transférée au Panthéon le 20 mai 1949. François Mitterrand déposa une rose sur sa tombe au lendemain de son élection. L’année suivante, Aimé Césaire lui rendit hommage à l’Assemblée nationale en rappelant ces mots de lui : « La liberté individuel­le est antérieure à toutes les lois humaines : elle fait corps avec nous et aucune puissance imaginable ne peut consacrer la violation de ce principe naturel. » Tout le monde aurait pu s’en tenir à la date du décret de 1848. Mais non. Jacques Chirac décida que la « journée commémorat­ive

de l’abolition de l’esclavage » serait fixée au 10 mai. Sans doute pour faire une fleur à Christiane Taubira, élue de Guyane, dont un texte assimilant l’esclavage à un « crime contre l’humanité » fut adopté le 10 mai 2001.

Or, des associatio­ns antillaise­s avaient défilé à Paris le 23 mai 1998 pour « réhabilite­r la mémoire des victimes de la traite négrière

et de l’esclavage ». Sensible à leur voeu, Nicolas Sarkozy déclara en 2008 que le 23 mai serait « la seule

date » commémoran­t les victimes. Mais le 10 mai restait le 10 mai !

Et les associatio­ns du 23 n’allaient tout de même pas concélébre­r avec celles du 10…

Vint François Hollande.

Il fit inscrire dans une loi du 28 février 2017 qu’il y aurait bien, le 23 mai, une « journée nationale d’hommage aux victimes » en plus de l’autre. Quant aux départemen­ts d’outre-mer, chacun a son jour (férié) de commémorat­ion : la Martinique, le 22 mai, la Guadeloupe, le 27, la Guyane, le 10 juin, La Réunion, le 20 décembre, Mayotte, le 27 avril.

Les Français ont-ils un problème de mémoire ? N’ont-ils pas suffisamme­nt fait pénitence ?

C’est étrange, plus on commémore, moins on enseigne l’Histoire…

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