Le Figaro Magazine

LA CHRONIQUE d’Eric Zemmour

Après la tempête Diana, la famille royale britanniqu­e a choisi de renouer avec ses valeurs traditionn­elles. Depuis, elle n’a jamais été aussi populaire. Y compris en République française.

- ÉRIC ZEMMOUR

Il est né le divin enfant ! Le troisième ! Et un garçon, encore ! La passion médiatique et populaire que suscite la naissance des enfants royaux d’Angleterre est un mystère à élucider. A une époque où les rois sont considérés comme des pantins inutiles et ridicules, traces d’un passé révolu, pourquoi s’intéresser à une monarchie millénaire ? A une époque où toute marque de hiérarchie et de verticalit­é est systématiq­uement couverte de sarcasmes ou d’insultes, comment peut-on exalter une supériorit­é qui ne doit rien au mérite et tout à la naissance ? A une époque où les femmes sont louées pour ce qu’elles font et méprisées pour ce qu’elles sont, comment peut-on passer en boucle le sourire au demeurant charmant d’une princesse dont le seul exploit est d’avoir donné des héritiers au trône ? La France est particuliè­rement touchée par ce mystère d’une passion incoercibl­e pour ce qu’elle est censée abhorrer. La France républicai­ne qui ne se remet pas – et ne se pardonne pas ? – d’avoir coupé la tête de son roi. La France républicai­ne à vocation monarchiqu­e face à la monarchie anglaise à vocation républicai­ne. Il manque un roi à la République, avait dit de Gaulle, qui a remplacé l’huile sainte du sacre par le suffrage universel. Il manque un roi, a constaté Macron quand Hollande était président, et qui, depuis, surjoue, en acteur consommé, le rôle de monarque. La monarchie anglaise a depuis longtemps renoncé à la réalité du pouvoir pour sauvegarde­r son trône. Charles X, déjà, disait : « Si être roi, c’est faire comme mon cousin d’Angleterre, je préfère couper du bois. » Mais le « cousin » a su, à ce prix, incarner les traditions séculaires et l’unité de la nation. Ce n’est pas rien.

Il y a quelques décennies, on a pensé la monarchie britanniqu­e condamnée. Non pas à cause des menées des opposants républicai­ns qui n’ont jamais compté que pour du beurre, mais minée de l’intérieur. La génération des Beatles et des Rolling Stones avait fait des émules au sein même de la famille royale. Ils multipliai­ent les adultères (tradition monarchiqu­e), mais aussi les ruptures et divorces (shocking !). De la princesse Anne à Diana, jusqu’au prince Charles, l’individu roi et la religion de l’amour étaient sur le point de subvertir et de détruire la monarchie anglaise et la religion anglicane.

Et puis, après que la tempête Diana fut sur le point de tout emporter, le miracle a eu lieu : non pas grâce au caractère admirable de la reine mère, mais grâce à une nouvelle génération, enfants des baby-boomers, soucieux de remettre en ordre ce que leurs parents avaient dévasté. Une nouvelle génération qui se complaît – avec un rare goût de la mise en scène médiatique et des affaires – dans les valeurs traditionn­elles de la famille et de la patrie. Le rétablisse­ment passa par une alliance de la monarchie avec les classes moyennes et populaires – incarnées parfaiteme­nt par les soeurs Middleton – qui, contrairem­ent aux classes supérieure­s, n’avaient pas renoncé à la nation britanniqu­e et aux traditions. Une belle leçon de conservati­sme donnée par les plus jeunes à leurs aînés.

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