Le Figaro Magazine

EN VUE Gemma Arterton

L’héroïne de « Gemma Bovery », qui fut James Bond girl dans « Quantum of Solace », se montre très affûtée dans « Une femme heureuse », dont elle est également la productric­e. Rencontre avec une comédienne bien dans ses baskets.

- Pierre de Boishue

Elle n’est pas seulement douée dans son art. Il n’aura fallu à la charmante Anglaise que quelques semaines pour maîtriser notre langue afin de tenir son rôle dans Gemma Bovery d’Anne Fontaine (2014). Elle ne pouvait rêver alors meilleur instructeu­r que son partenaire à l’écran, le très érudit Fabrice Luchini. « Il parlait tout le temps, se souvient Gemma Arterton dans un français impeccable. Parfois, je lui disais que je comprenais son propos alors que c’était loin

d’être le cas. » De nature perfection­niste, elle avait appris l’équitation au triple galop pour les besoins de Prince of

Persia. Les sables du temps (2010). Dans Une femme heureuse de Dominic Savage, sorti ce mercredi, elle n’a pas eu besoin de leçons de bonheur, la jeune femme ayant un tempéramen­t naturellem­ent pétillant et enjoué. Dans la cour du Pavillon de la Reine, place des Vosges, à Paris, où nous la rencontron­s, elle se montre intarissab­le sur son héroïne : une mère de famille de deux enfants, écrasée par l’ennui, qui quitte le domicile conjugal et prend la direction de Paris. « J’aurais pu être cette

femme si je n’avais pas été comédienne, note-t-elle. J’ai joué des reines, des prostituée­s… J’adore ce métier, dans lequel je me suis lancée à 16 ans, parce qu’il me permet de comprendre les gens, d’être en empathie avec eux. » Dans ce film bouleversa­nt et inattendu – les hommes sont plus coutumiers de ces ruptures brutales –, elle s’est investie comme jamais. Son inspiratio­n, elle l’a trouvée dans la vie de sa grand-mère, une artiste tombée en dépression après avoir privilégié ses enfants à sa carrière. Le décor ? Gravesend, sa ville natale. Quant à la principale mission

de l’ex-James Bond girl, elle a consisté à se livrer à un numéro constant d’improvisat­ion. « Je rêverais de travailler chaque jour de cette façon, car on peut aller très loin dans le jeu. Certaines prises duraient jusqu’à trente

minutes. » Succès à tous les étages pour celle qui a joué ensuite dans la très exigeante pièce de George Bernard Shaw, Saint Joan. Un grand écart qu’elle juge salutaire. Et cette fille d’un soudeur et d’une femme de ménage d’évoquer gaiement ses débuts, tous les petits boulots qu’elle a exercés pour financer ses études de théâtre. « J’ai apprécié tous mes jobs, à l’image de celui que j’avais dans un pub de

Londres, assure-t-elle. C’était dans le quartier chaud, avec des gens dotés d’un vrai caractère. Cela m’a plu également de vendre du savon dans une boutique. Je prenais l’exercice comme une performanc­e. J’aime parler, au point d’être parfois énervante. » Non, absolument pas…

« J’AIMERAIS INCITER LES FEMMES À VAINCRE LEUR TIMIDITÉ DANS LE MILIEU DU CINÉMA »

Fidèle à sa réputation, elle n’élude aucun sujet. Y compris les dossiers politiques. Gemma Arterton, qui vit entre la capitale anglaise et la France, déplore le Brexit. « Je me sens très européenne, confie-t-elle. Ce qui me rend le plus triste, c’est que ce sont les classes moyennes qui souffrent le

plus de cette situation. » Bien d’autres combats l’animent. Via sa société de production, elle veille à favoriser l’essor créatif de ses consoeurs dans l’univers du cinéma. « Il est aberrant que seules 13 % des oeuvres soient écrites par des femmes ! s’exclame-t-elle. J’aimerais inciter les autres à

vaincre leur timidité. » Première livraison : le biopic Vita and Virginia signé Chanya Button et consacré à l’histoire entre Virginia Woolf et Vita Sackville-West. Les projets – parfois en famille – abondent. « J’adore par-dessus tout quand il existe une énergie collective. C’est pour cette raison que j’aime tant me rendre dans les concerts et les festivals ou pratiquer le yoga en groupe. » Gemma Arterton : une femme assurément heureuse.

 ??  ?? « Une femme heureuse » brosse le portrait d’une mère qui fuit son foyer. Un film inattendu et bouleversa­nt.
« Une femme heureuse » brosse le portrait d’une mère qui fuit son foyer. Un film inattendu et bouleversa­nt.

Newspapers in French

Newspapers from France