Le Figaro Magazine

24 JUIN 2009 : SARKOZY FAIT LA LEÇON À NETANYAHOU “Israël n’a pas de temps à perdre. Nous sommes prêts à vous aider” Nicolas Sarkozy

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Le 24 juin 2009, le président Nicolas Sarkozy accueille le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, qui réoccupe ce poste depuis quelques mois. Sarkozy estime qu’il peut donner des conseils à son ami « Bibi », qu’il connaît et apprécie de longue date. Mais le Premier ministre israélien n’en tiendra pas compte. […] Se posant en ami d’Israël, Sarkozy s’estime en droit de donner son avis et capable de faire bouger les lignes. C’est lui qui ouvre la conversati­on et la mène de bout en bout, sans vraiment laisser à son invité le loisir de s’exprimer longuement :

– Je veux souligner combien j’apprécie notre amitié personnell­e. Cela m’autorise la franchise. Je crois vraiment que, pour assurer votre propre sécurité, vous devez faire la paix avec vos voisins. – J’y suis prêt. Dans le discours que j’ai prononcé le 14 juin à l’université de Bar-Ilan, j’ai dit que j’étais favorable à la création d’un Etat palestinie­n démilitari­sé. Israël garantira aussi tous les droits des minorités, et les Arabes israéliens ne seront pas expulsés.

– Ton discours était bon, mais insuffisan­t. Israël n’a pas de temps à perdre. Nous sommes prêts à vous aider à aller de l’avant comme nous le pouvons. Les progrès vers la paix dépendent aussi des alliances internatio­nales et il vous faut aussi gagner la guerre de la communicat­ion. Plus vous attendez, plus vous perdez du soutien internatio­nal. Le président français ne reprend pas

le terme « démilitari­sé » employé par son interlocut­eur pour caractéris­er l’Etat palestinie­n ; il préfère dire

« calme et pacifié ». […] Interrogé sur sa possible participat­ion à une conférence internatio­nale qui favorisera­it le processus, Netanyahou répond :

– Je suis totalement d’accord avec le fait qu’une telle conférence devrait avoir lieu. Je n’ai pas de problème avec ça. Mais je crois comprendre que les Américains sont hésitants sur le sujet.

– Je vais en parler au président Obama au sommet du G8, au moins

tester sa réaction sur cette idée de conférence, même à titre confidenti­el. S’il est d’accord sur le principe, la France mobilisera toutes ses ressources pour faire de cette conférence un succès. Nous pousserons également les pays arabes. Nous avons la confiance de tous les acteurs, propose Sarkozy.

En revanche, le président français conseille fermement à Netanyahou de « geler totalement » les activités des implantati­ons juives dans les territoire­s palestinie­ns, qui représente­nt un « problème d’occupation » : « Il n’y a aucune justificat­ion pour ces implantati­ons. Elles ne fournissen­t aucune sécurité et vous n’avez rien à y gagner. Ce problème peut être résolu par l’existence des deux Etats, ce qui constitue une raison supplément­aire pour accélérer les négociatio­ns de paix. Les pays arabes peuvent y contribuer, et la France va les inciter à le faire. Mais vous devez prendre d’abord des décisions sur les implantati­ons. Il faut aussi que vous leviez le blocage de Gaza et laissiez les Palestinie­ns reconstrui­re. » Netanyahou semble un peu étonné par ce ton directif, et même froissé par ces remarques, d’autant qu’il a déjà publiqueme­nt exclu un tel « gel

total ». Il répond de manière vague :

« Nous gèlerons la terre, mais pas la vie dans les implantati­ons. » L’entretien a été franc. Néanmoins, il a davantage ressemblé à un monologue de Sarkozy qu’à un véritable échange.

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Le président Nicolas Sarkozy, accompagné de ses collaborat­eurs et de son ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner (à gauche), reçoit le Premier ministre Benyamin Netanyahou à l’Elysée, le 24 juin 2009.

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