Le Figaro Magazine

L’Elysée avait demandé à Netanyahou de ne pas venir manifester à Paris, le 11 janvier 2015...

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11 JANVIER 2015 : NETANYAHOU S’IMPOSE AUX CÔTÉS DE HOLLANDE Les 7 et 9 janvier 2015, des attentats frappent la rédaction de « Charlie Hebdo » et un magasin Hyper Cacher, à Paris. Le Premier ministre israélien veut venir manifester le 11 janvier.

[…] Le samedi 10 janvier, les préparatif­s de la manifestat­ion du lendemain mobilisent le Quai d’Orsay et la cellule diplomatiq­ue de l’Elysée. Tous les dirigeants européens veulent être présents, ainsi que de nombreux autres chefs d’Etat et de gouverneme­nt. Barack Obama ne peut traverser l’Atlantique : il sera représenté par son ambassadri­ce et enverra son secrétaire d’Etat, John Kerry, à Paris le lundi suivant. A Jérusalem, Benyamin Netanyahou souhaite a priori faire le déplacemen­t. Son conseiller Yossi Cohen s’entretient à plusieurs reprises avec Jacques Audibert, le conseiller diplomatiq­ue de Hollande. Ce dernier lui indique poliment que Netanyahou ne serait pas le bienvenu. Il met en avant des problèmes de sécurité et de diplomatie. Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinie­nne, a fait savoir qu’il ne serait pas là. Qu’il vienne plutôt le lundi.

Agacé, Netanyahou demande à son ami [député français] Meyer Habib d’intervenir. Ce dernier adresse un message à Manuel Valls, lequel répond que c’est l’Elysée qui gère l’ensemble de l’événement. La situation est bloquée. Netanyahou semble se faire une raison, d’autant qu’Obama sera également absent. Mais « Bibi » est aussi un fin tacticien. Il a appris que son ministre des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman, qui représente les ultranatio­nalistes, et son ministre de l’Industrie, Naftali Bennett, leader de l’extrême droite religieuse et des colons, ont prévu de se rendre à Paris le lendemain. Qu’à cela ne tienne : en fin d’après-midi, après avoir de nouveau pris conseil auprès de Meyer Habib, qui l’encourage en ce sens, Netanyahou décide qu’il mènera la délégation israélienn­e. « Il ne voulait pas laisser ses alliés et rivaux parader à Paris comme défenseurs des communauté­s juives, alors qu’il était à trois mois des élections. Il a donc

choisi de s’imposer », explique un diplomate israélien qui le connaît bien. Aussitôt prévenu, l’Elysée fronce les sourcils : la présence de Netanyahou sera forcément controvers­ée. L’entourage du président Hollande plaide à nouveau le casse-tête sécuritair­e pour tenter de dissuader le visiteur. En vain. La cellule diplomatiq­ue ne peut empêcher la venue du Premier ministre d’Israël alors que des juifs font partie des victimes. « En catastroph­e, nous avons donc dû rappeler Mahmoud Abbas pour

équilibrer les choses », raconte un conseiller de François Hollande. Le président palestinie­n est réveillé en pleine nuit dans son fief de Ramallah et expresséme­nt invité à sauter dans un avion pour Paris. […] Lorsqu’il débarque à Paris le dimanche 11 janvier en fin de matinée, Benyamin Netanyahou est tendu. Ses agents de sécurité, réputés inflexible­s, paniquent en découvrant le dispositif prévu : la cinquantai­ne de leaders présents doivent être conduits près de la place de la République en bus. […] Alors que tous les chefs d’Etat et de gouverneme­nt se préparent à monter dans le véhicule, l’Israélien s’isole dans une pièce de l’Elysée pour s’équiper d’un manteau pare-balles.

Sur les lieux de la manifestat­ion, au milieu d’une foule d’un million et demi de personnes, il est presque porté par ses trois gardes du corps, postés derrière lui. Coincé entre le Luxembourg­eois Jean-Claude Juncker et le Malien Ibrahim Boubacar Keïta, il avance en saluant la foule d’une main. Ses traits demeurent crispés, trahissant sa nervosité. Depuis un balcon, une femme l’interpelle : « Bibi ! » Il se détend pendant quelques instants. ■

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