Le Figaro Magazine

27 JUILLET 2005 : CHIRAC ET SHARON FONT SEMBLANT DE SE RÉCONCILIE­R

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Le 27 juillet 2005, le président Jacques Chirac reçoit le Premier ministre israélien Ariel Sharon pour renouer un dialogue interrompu depuis quatre ans. Yasser Arafat, protégé de Chirac et ennemi juré de Sharon, est décédé fin 2004 et le Premier ministre israélien a proposé un retrait unilatéral de la bande de Gaza.

[…] L’entretien qui se déroule à l’Elysée le 27 juillet 2005, suivi d’un « déjeuner de travail », a des allures de réconcilia­tion un peu surjouée. D’un côté, le Premier ministre présente publiqueme­nt Chirac comme « l’un des plus grands leaders mondiaux » et le remercie pour « l’aide

précieuse » apportée par la France au processus de paix. Il souligne ses efforts dans la lutte contre l’antisémiti­sme et l’invite officielle­ment à visiter son ranch en Israël. De l’autre, le Français souhaite « la plus cordiale

des bienvenues » à son hôte. Il vante les « valeurs communes » et le caractère « historique » de la décision israélienn­e de se retirer de Gaza. Durant le repas, Ariel Sharon répète sa ferme volonté de tenir cet engagement d’ici à la mi-août, en dépit des vives critiques dont il fait l’objet dans son pays.

– Pensez-vous que les Palestinie­ns aient intérêt à saboter votre plan de retrait ? questionne Chirac.

– Je n’en sais rien, mais je l’appliquera­i quoi qu’il advienne, répond Sharon.

– Je comprends le message. Il faut réussir. Nous vous soutiendro­ns, promet Chirac.

[…] Pour ne pas envenimer le débat, le président français prend soin de ne pas poser de questions pressantes sur les possibles sujets de désaccord, comme les négociatio­ns de paix qui devraient prolonger le retrait de Gaza, le sort des autres colonies juives dans les territoire­s occupés ou l’édificatio­n en cours du mur de sécurité.

Tout aussi soucieux d’éviter les sujets qui fâchent, le Premier ministre israélien encourage Chirac à poursuivre les négociatio­ns pour que l’Iran abandonne son programme nucléaire. « Nous ne ferons pas de

concession­s sur le sujet », lui assure le président français, qui se dit prêt à saisir le Conseil de sécurité de l’ONU si Téhéran ne donne pas de « garanties objectives sur l’arrêt définitif de ses activités nucléaires sensibles ». Sharon le félicite également pour ses pressions sur la Syrie. […] Devant son invité, Chirac insiste sur le rôle régional néfaste de Bachar el-Assad, pour lequel il n’a pas de mots assez durs : « C’est un mauvais régime, qui ne comprend personne et ne fait rien pour changer son comporteme­nt. » […] Pour sceller un nouveau pacte et concrétise­r les bonnes relations entre leurs pays, les deux leaders conviennen­t de lancer une Fondation France-Israël dont l’objectif sera d’améliorer l’image d’Israël en France, et réciproque­ment. Plus prosaïquem­ent, Chirac et Sharon finissent par aborder un sujet qui les rapproche : les bovins. – J’ai une ferme dans le Néguev avec quelques vaches, dont des vaches de Salers, dit Sharon.

– Savez-vous que les limousines supportent très bien les climats rudes ? Venez les voir au Salon de l’agricultur­e.

– D’accord, à condition que vous veniez visiter ma ferme du Néguev.

– Je viendrai avec plaisir.

– Le meilleur moment de ma vie politique, c’est lorsque j’étais ministre de l’Agricultur­e.

– Moi aussi !

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