Le Figaro Magazine

LA CHRONIQUE de François d’Orcival

Se sentant menacée, la communauté juive quitte les banlieues de la région parisienne. A Bondy, il ne reste que quelques familles.

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Bondy est tombée.

Et ce n’est qu’un cas parmi d’autres en Seine-Saint-Denis. Quand on dit « Bondy est tombée », dans la communauté juive, cela signifie que la présence juive dans cette agglomérat­ion de 53 000 habitants est en train de disparaîtr­e. C’était pourtant une très ancienne communauté dont les membres venaient d’Europe centrale et du Caucase avant d’être rejoints par des rapatriés d’Afrique du Nord.

Ils étaient suffisamme­nt nombreux en 1978 pour permettre l’ouverture d’un centre communauta­ire. Quarante ans plus tard, les dernières familles encore présentes sont en train de partir, laissant derrière elles leur synagogue.

En 2005, en revanche, la ville, gérée par la gauche depuis un siècle, a accueilli la première grande mosquée du départemen­t ; elle a son centre culturel musulman, ses associatio­ns, ses réseaux islamiques. Les familles juives sont parties sous la pression de l’insécurité et de la submersion du « vivre-ensemble ». « On vend, on part, ils ont gagné. » Inexorable. Le Dr Joël Mergui est depuis dix ans le président du consistoir­e central israélite. Il aura vécu l’assassinat du jeune Ilan Halimi (2006) jusqu’à celui de Mireille Knoll – onze victimes de l’antisémiti­sme ; il a assisté au départ de quelque 50 000 Français juifs vers Israël (cela s’appelle « faire son alya »), dont 30 000 au cours des cinq dernières années. Ceux-ci avaient les moyens de partir ; ils étaient des actifs précieux dans leur communauté, mais ceux de Bondy, de Garges-lès-Gonesse et d’ailleurs qui n’ont pas les mêmes moyens ?

Eux aussi ont dû « migrer », mais sur notre sol, vers des lieux plus accueillan­ts : Le Raincy, par exemple, cette enclave de droite

(14 000 habitants,

1 600 familles juives) en Seine-Saint-Denis. Une commune où voisinent églises, temple et synagogue, écoles catholique, juive et arménienne.

Et ailleurs ? François Pupponi, député de la circonscri­ption de Sarcelles, n’est pas optimiste. Sa ville, habitée par une importante communauté juive, attire elle aussi des familles venues parfois de loin et toujours pour y vivre en sécurité. « Nous préparons pour elles des programmes de logements », dit le député : c’est logique, il le faut bien, mais c’est l’aveu que la « mixité » disparaît.

Qui parle d’apartheid ? La communauté juive n’est ici qu’une avant-garde. L’avenir risque bien d’être dicté par la force des choses.

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LA CHRONIQUE DE FRANÇOIS D’ORCIVAL

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