Le Figaro Magazine

ISRAËL, LE MAL-AIMÉ

Alors qu’Israël célèbre ses 70 ans, il faut lire le dernier essai de Martine Gozlan, portrait inspiré et sans concession de l’Etat hébreu.

- Alexandre Devecchio * Israël, 70 ans. 7 clés pour comprendre, de Martine Gozlan, L’Archipel, 152 p., 16 €.

Pourquoi tant de haine ? Il y a eu la résolution de l’Unesco niant le lien historique des Juifs avec le mont du Temple. La campagne de boycott internatio­nal du BDS. Les propos de Zeev Sternhell qualifiant Israël d’Etat « prénazi ».

Ou encore le tollé mondial provoqué par la décision de Donald Trump de déplacer l’ambassade des EtatsUnis à Jérusalem. Soixante-dix ans presque jour pour jour après sa création, l’Etat juif déchaîne toujours les passions. L’enlisement du conflit israélo-arabe, la question des colonies ou la politique controvers­ée de la droite israélienn­e suffisent-ils à expliquer le mélange de fascinatio­n et de répulsion qu’inspire l’Etat juif ? « Non », répond Martine Gozlan, dans

Israël, 70 ans *. Grand reporter et rédactrice en chef à l’hebdomadai­re

Marianne, elle y dresse un portrait complexe du pays du lait et du miel : à rebours des préjugés, mais lucide sur les failles de la politique et de la société israélienn­e. D’une plume inspirée, la journalist­e parvient à nous communique­r l’énergie d’un pays en pleine ébullition qui rayonne aussi bien culturelle­ment que technologi­quement et scientifiq­uement. « Un juif ne peut pas se permettre le luxe

d’être pessimiste », aimait répéter Golda Meir. Quand la France sombre dans la dépression, Israël fait preuve d’un optimisme existentie­l qui se traduit notamment par une démographi­e en plein boom. Le pays occupe la onzième place au hit-parade mondial du bonheur ! « Les Israéliens se précipiten­t sur les pistes improvisée­s, écrit Martine Gozlan. Sur la guerre, la terreur, le deuil, sur l’amour, sur le sable, sur la vie, ils dansent. » Pour la journalist­e, les Israéliens puisent cette force et cette extraordin­aire capacité de résilience dans les profondeur­s de leur histoire. Jeune Etat, Israël ne s’enracine pas moins dans une histoire millénaire. C’est cette conscience aiguë de son héritage, cet amour du passé qui lui permet de se propulser vers l’avenir. C’est aussi probableme­nt cette identité assumée qui dérange autant. Face à une Europe posthistor­ique et postnation­ale, Israël apparaît comme l’un des rares Etats-nations décomplexé­s. Comme le souligne Gozlan, l’armée est d’ailleurs le ciment de la cohésion israélienn­e. L’Etat hébreu n’est cependant pas dépourvu de faiblesse dont la journalist­e ne cache rien. Israël, Babel où les exilés se sont rassemblés en provenance de 102 pays, a dû se dépasser pour intégrer des citoyens séparés par la langue, la culture, les traditions et la couleur de peau. Si pour l’heure, le sentiment d’appartenan­ce transcende les différence­s, le pays est miné par des fractures internes grandissan­tes. La guerre entre laïcs et religieux est peut-être plus importante que celle qui oppose le « camp de la paix » aux

« faucons », note Gozlan, qui redoute de voir l’Etat hébreu se transforme­r en une « mosaïque de clans conflictue­ls ». En cela, Israël ne diffère pas du reste de l’Occident.

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