GÉNÉRAL LECOINTRE : “NAPOLÉON INSPIRE ENCORE LES ARMÉES AUJOURD’HUI”
Le grand patron des armées françaises explique au « Fig Mag » comment l’art et la manière de commander de Napoléon restent d’une parfaite modernité.
Napoléon a renouvelé en profondeur l’art du commandement et de la guerre au point d’inspirer, encore aujourd’hui, les armées françaises dans leur façon de s’organiser et de combattre.
Par l’étude, il s’est plu à recenser la « somme
de vertus contraires » (selon l’expression d’André Maurois) propre aux grandes figures de l’histoire militaire, d’Alexandre à César, de Turenne à Frédéric II. Il s’est imprégné des maximes qui avaient dicté leur attitude, assis leur autorité et gouverné leurs décisions. Il voyait dans cet exercice « le seul moyen de surprendre les secrets de l’art de la guerre ».
Lorsque arrivent le temps de l’action et ses incertitudes, Napoléon ne remet pas en cause ces principes qu’il sait robustes. Il s’efforce, en revanche, de les modeler sur les contingences de son époque. Tel est le secret de sa modernité.
Que nous a-t-il légué qui continue de se révéler d’une remarquable actualité ? D’abord qu’il existe une spécificité militaire fondée sur les exigences de discipline, d’autonomie et de disponibilité. La bataille napoléonienne se distingue par la combinaison aboutie de la rapidité, de la fluidité et de l’obéissance dans l’exécution. Cette conception consacre la nécessité d’une organisation renouvelée de l’institution militaire, calquée sur l’organisation du temps de guerre. En 1803, il fait du régiment commandé par un colonel l’échelon de base de l’armée. En 1805, il crée les corps d’armée qui intègrent l’ensemble des composantes nécessaires à la victoire. Nos groupements actuellement déployés au Sahel procèdent de la même nécessité : combiner les effets tout en préservant l’unicité du commandement. Napoléon veut une armée qui soit l’exacte émanation de la nation. D’un côté, il crée des écoles militaires qui cultivent l’excellence et, de l’autre, il permet au grognard de rejoindre le corps des officiers composé aux trois quarts de soldats sortis du rang. De nos jours, l’armée française reste ce creuset exemplaire de l’ascension sociale par le mélange des origines et l’avancement au mérite.
Chef militaire, Napoléon vit un compagnonnage quotidien avec ses maréchaux et ses grognards. Exigeant dans l’action, il veille à la juste reconnaissance des efforts consentis. La première remise de la Légion d’honneur, aux Invalides, le 15 juillet 1804, porte une charge symbolique très forte. En une même cérémonie, Napoléon distingue les héros et les serviteurs de la nation et honore les blessés auxquels il fait attribuer les meilleures places. La reconnaissance du chef et l’assurance du soutien de la nation demeurent le moteur principal de nos armées.
Par ses choix, Napoléon nous dit quelque chose de la primauté du politique sur le militaire. Exception faite de la campagne de Russie, qui nous donne la même leçon en creux, Napoléon a toujours su interrompre la guerre au bon moment, ne perdant jamais de vue l’objectif politique initial.