UN ART DE LA GUERRE TOUJOURS ENSEIGNÉ
Même si les techniques et les moyens ont changé, les grands principes d’action napoléoniens imprègnent toujours la stratégie militaire contemporaine.
Fondée en 1802 par Bonaparte alors Premier consul, Saint-Cyr est sans doute l’institution d’enseignement militaire française qui célèbre le plus le souvenir impérial. Chaque 2 décembre, les élèves de l’Ecole militaire interarmes de Coëtquidan fêtent ainsi l’anniversaire de la bataille d’Austerlitz, à
travers une reconstitution des combats. « Les élèves suivent aussi des cours d’histoire militaire dans lesquels sont évoquées les campagnes et la stratégie napoléonienne, précise le colonel Thierry Noulens, ancien chef du département sciences humaines et sociales de la guerre à l’Ecole de guerre. Mais l’angle abordé reste avant tout historique et mémoriel. » L’Ecole polytechnique, militarisée en 1804, conserve directement l’héritage de cette époque par sa devise « Pour la Patrie, les Sciences et la Gloire » donnée personnellement par Napoléon. Toutefois, transcrire la pensée de Bonaparte dans la stratégie d’aujourd’hui demeure assez complexe, « L’art de la
guerre a des principes invariables », disait Napoléon. Mais leur mise en application aujourd’hui ne peut en aucun cas être littérale, lance Thierry Noulens. Les procédés ne sont plus les mêmes. Si les notions essentielles de liberté d’action, de capacité à agir, d’économie des moyens, de concentration des efforts et de surprise, avancées par le maréchal Foch dans son ouvrage fondateur Des principes de la
guerre, découlent directement de la doctrine napoléonienne, l’époque des charges de cavalerie n’est plus et il faut désormais s’extraire de l’espace-temps pour trouver des applications sur le plan tactique. De fait, l’univers dans lequel évoluent actuellement les forces armées est multidimensionnel, aéroterrestre, maritime, spatial avec le rôle majeur des satellites, mais aussi cyber. « Dans ce domaine, explique Martin Motte, directeur d’études à l’Ecole pratique des hautes études, un professeur de l’Ecole de guerre, le lieutenant-colonel Jérôme de Lespinois, s’est notamment intéressé à transposer ces principes traditionnels dans les domaines les plus modernes de la stratégie. Selon lui, la liberté d’action, l’économie des forces et la surprise peuvent s’appliquer tout particulièrement dans le cyberespace et la guerre spatiale. Des domaines où Napoléon serait sans doute moins dépaysé que l’on pourrait le penser. »