ILS ONT EN COMMUN LE GOÛT DU COMMANDEMENT ET LE SENS DE L’AUTORITÉ
tions nouvelles, les grands corps d’Etat, les lycées, le code civil… Il a inventé l’Etat français dans sa forme actuelle. En arrivant au pouvoir, il disait vouloir rétablir l’ordre et rendre leur fierté aux Français. Macron tient un discours assez similaire. Il est trop tôt pour dire s’il atteindra ses objectifs, mais il n’a guère perdu de temps depuis un an. La France n’est pas transformée, certes. Mais elle se réveille. Les deux hommes ont-ils des traits de caractère en commun ?
Ils ont une forte confiance en eux, de l’orgueil, un caractère impérieux, une grande volonté, le goût du commandement et le sens de l’autorité. Ils sont persuadés que celle-ci est la condition du succès, estimant que les Français sont des citoyens critiques et individualistes, mais qu’en même temps, ils aiment l’autorité et, en règle générale, le prestige international. Autre point commun : Macron comme Bonaparte ont un réel savoir-faire pour se théâtraliser et mettre en scène leur action, parfois de façon quasi romanesque. Ils ont aussi tous les deux le sentiment qu’avec leurs qualités personnelles, ils ont de vraies chances de parvenir à transformer la société. L’un et l’autre ont envie de se voir consacrés par l’Histoire. Mais Macron n’ira tout de même pas jusqu’à se faire sacrer ! Leur avènement au pouvoir a coïncidé avec un profond renouvellement de la classe politique. Comment l’expliquezvous ? Dans l’histoire contemporaine, la France a vécu trois périodes de réformes d’une intensité hors normes : le Consulat, le gouvernement Debré sous de Gaulle (19591962) et, aujourd’hui, ce qu’essaye de faire Macron. Dans les trois cas, cela s’est traduit par le remplacement – aujourd’hui, on parle de « dégagisme » – d’une classe politique et d’une classe dirigeante par une autre. Le Consulat a vu disparaître nombre de ceux qui avaient gouverné précédemment (royalistes, jacobins…). Avec Macron, c’est un peu la même chose qui se passe aujourd’hui : une nouvelle classe dirigeante est en train d’émerger. Emmanuel Macron a évoqué son désir de réveiller « l’esprit de conquête » des Français. C’est très napoléonien, non ? Tous deux sont des partisans de l’offensive. Et des rapports de force. Chez Bonaparte, c’était à la fois politique et militaire. Chez Macron, je dirais que c’est politique et social. L’esprit de conquête, c’est aussi ce qui est le plus susceptible de faire rêver les Français. C’est assez nouveau car, depuis quarante ans, on redoutait plutôt l’esprit de défaite ! Sont-ils de gauche ou de droite ?
Ils aspirent tous deux à représenter la France entière et pas simplement la gauche, la droite ou le centre. Je ne suis pas sûr qu’Emmanuel Macron soit un homme de droite mais en revanche, il est certain qu’il mène une politique de droite, sauf peut-être sur les questions culturelles ou sociétales. Et, là encore, il rejoint Bonaparte. Le code civil introduisait une modernisation incroyable ! Quant à sa politique religieuse, elle n’était pas de droite : il a introduit un dialogue très novateur avec les religions. On retrouve un peu cela chez Emmanuel Macron, dans son discours vis-à-vis des religions ou de la laïcité. Tous deux ont une pratique du pouvoir autoritaire et optent pour des choix économiques de droite ; mais, au-delà, ils partagent une culture globale, une façon de vouloir représenter la France entière et de remodeler celle-ci qui va clairement au-delà de la droite. Les Pathologies politiques françaises, Plon, 240 p., 19,90 €. Grandeur, déclin et destin de la Ve République, avec Edouard Balladur, Editions de l’Observatoire, 359 p., 19 €.