LE CHAGRIN ET LA PITIÉ
IDAHO, d’Emily Ruskovich, Gallmeister, 360 p., 23,50 €. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Simon Baril.
La trame est complexe, et joyeuse : en 1995, une femme tue l’une de ses fillettes d’un coup de hache, à proximité de son mari. L’autre s’enfuit, on ne la reverra plus…
Peu de temps après, Ann, une professeur de chant et de piano, s’éprend du père dévasté et emménage avec lui. Cet homme simple qui gagne sa vie en fabriquant des couteaux vit un nouveau drame.
La maladie d’Alzheimer s’empare de lui et l’enveloppe progressivement dans un brouillard de plus en plus opaque : « Une grande part de sa capacité de concentration était désormais consacrée à masquer sa mémoire défaillante. » Face à cet effacement exponentiel, Ann devient peu à peu obsédée par les événements tragiques qui ont eu lieu sur cette terre. Pourquoi cette femme a-t-elle tué sa fille ? Qu’est devenue l’autre enfant ? Il y a de la Kasischke dans l’air… Emily Ruskovich, en bonne disciple, écrit un premier roman troublant et ambitieux : des allers-retours dans le temps incessants et les points de vue de différents personnages brouillent les pistes adroitement, mais son plus grand talent est dans l’empathie qu’elle provoque pour ses personnages :
on parvient même à avoir pitié de la mère meurtrière. Le deuil, le désir de maternité
et l’oubli (« Quand on aime quelqu’un qui est mort, et que sa mort disparaît parce qu’on ne peut plus s’en souvenir, il ne vous reste que la douleur d’un amour non partagé ») défilent. Dommage que l’auteur n’ait pas réussi à résoudre son énigme et ne fournisse aucune explication.