Le Figaro Magazine

LA CHRONIQUE

L’Allemagne ne paiera pas pour les « folies » du nouveau gouverneme­nt transalpin. Du coup, les projets français de réforme de l’Europe s’effondrent.

- ÉRIC ZEMMOUR Eric Zemmour

d’Eric Zemmour

Cela ne pouvait pas durer éternellem­ent. Tout au long de l’année 2017, Emmanuel Macron avait bénéficié d’une chance insolente : à l’intérieur, pour se faire élire ; à l’extérieur, les médias internatio­naux le consacraie­nt « patron » de l’Europe, seul interlocut­eur de Trump et de Poutine, tandis que les Anglais quittaient l’Union et que les Allemands ne parvenaien­t pas à former un gouverneme­nt. Ce temps-là est révolu. Les élections italiennes ont sonné le glas du règne de l’empereur Macron. Les Allemands rient sous cape.

Ils ont désormais une excuse en or pour enterrer les projets de réforme du Français. C’était déjà leur intention avant que la Ligue et M5S ne prennent le pouvoir en Italie. Macron l’avait très bien compris : « Réveillez-vous, la France a changé ! » avait-il lancé à ses interlocut­eurs germanique­s. Sous-entendu : la France a accompli les réformes économique­s et sociales que vous réclamiez ; à votre tour de bouger !

Le désaccord entre Français et Allemands n’est pas neuf, mais il est fondamenta­l. La zone euro souffre d’un défaut de fabricatio­n originel : dans toute zone unifiée monétairem­ent, la région la plus productive, en l’occurrence l’Allemagne et les pays du Nord, attire les capitaux et la valeur ajoutée. Pour rééquilibr­er, il faut un budget qui redistribu­e de l’argent vers les régions déshéritée­s. C’est ce que fait Paris avec la Creuse ou la Corse ; l’Italie du Nord avec le Mezzogiorn­o. C’est ce que réclame Macron pour la zone euro. Mais l’Allemagne dit : « Nein. » Elle ne paiera pas. Et elle paiera encore moins depuis qu’elle peut se cacher derrière les « folies » du nouveau gouverneme­nt italien. Macron est désarmé puisqu’il refuse par principe d’utiliser la seule arme qui ébranlerai­t les Allemands : le départ de l’euro et le retour aux monnaies nationales qui verrait un mark surévalué gêner les exportatio­ns allemandes… Fin du premier round.

Le second concerne l’immigratio­n. C’est encore une fois les Allemands qui ont mis le feu au lac, avec l’ouverture aux migrants décidée par Merkel en 2015. Mais la France avait ouvert le bal avec l’interventi­on en Libye qui, en exécutant Kadhafi, avait fait sauter le verrou qui fermait la porte des côtes italiennes aux migrants africains. Entre 2016 et 2017, 350 000 migrants sont entrés en Italie. On comprend que les Italiens (du Nord) aient voté pour la Ligue de Matteo Salvini qui promet de renvoyer 500 000 clandestin­s. Mais le futur ministre de l’Intérieur italien croisera alors le fer avec des juges européens dont la jurisprude­nce a rendu quasi impossible tout renvoi de clandestin­s. Le Hongrois Orbán et les Polonais, qui avaient été tancés par Merkel et Macron pour leur refus d’accueillir des migrants « musulmans », ont reçu un allié de poids. Fin du second round. Macron K.-O. Merkel reste sur le ring, groggy mais debout, pour défendre le modèle européen des sociétés libérales, ouvertes et multicultu­ralistes, de plus en plus rejeté par les peuples d’Europe. Debout, mais avec comme seuls alliés les Pays-Bas et la Finlande. Est-ce vraiment mieux ?

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