Le Figaro Magazine

GERMINAL RÉÉCRIT PAR CALIMERO

Dans son nouveau récit de 85 pages, Edouard Louis accuse les politiques d’avoir fait boire son père.

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L’écrivain plaintif est de retour. On imagine Edouard Louis cherchant l’inspiratio­n : « Voyons voir… De quoi pourrais-je me lamenter aujourd’hui ? Le racisme et l’homophobie des ch’tis ? c’est fait ; une pétition contre Marcel Gauchet ? c’est fait… ah oui ! Il me reste la maladie de papa ! » La littératur­e actuelle vit sous le joug d’une dictature du gémissemen­t. Edouard Louis a la douleur récurrente. Edouard Louis a la souffrance prévisible. Edouard Louis a le ressasseme­nt vengeur, mais Edouard Louis a la rage changeante. Dédié à Xavier Dolan (son homologue en hystérie puérile), Qui a tué mon père est un monologue adressé au père qu’il détruisait dans En finir avec Eddy Bellegueul­e.

Il faut se figurer une girouette armée d’un lance-flammes. Méfiez-vous d’Edouard Louis : c’est le genre de type qui vous injurie pour pouvoir se réconcilie­r avec vous, comme

Kim Jong-un avec Donald Trump (et réciproque­ment). La violence de son père, explique-t-il désormais, est la faute de Chirac, Sarkozy, Hollande et Macron. Edouard Louis fait penser à ces individus qui éructent tous seuls des noms d’hommes politiques dans le métro. Il a le « j’accuse » facile. « Pourquoi est-ce qu’on ne dit jamais ces noms ? », s’interroge-t-il à propos des quatre personnes les plus citées dans toute la littératur­e contempora­ine française. Il vient de lancer un appel à la révolution en couverture des Inrockupti­bles, magazine propriété de la banque Lazard. Tom Wolfe avait inventé une expression pour désigner ces rebelles-de-salons-dulivre : « radical chic » (le chic gauchiste). Il suffit de lire une page de n’importe quel livre d’Hervé Guibert pour constater l’abîme qui sépare M. Louis de la véritable subversion. Ce texte, dont des ébauches ont été présentées à la Maison de la littératur­e d’Oslo, à l’université Yale, à la New School et au MIT, avant d’être publiées dans le journal Morgenblad­et en Norvège, dans Dagens Nyheter en Suède, dans FAZ en Allemagne et dans Freeman’s aux Etats-Unis, prétend être celui d’un jeune incompris et insatisfai­t. L’argument du livre ne tient pas debout : ce serait l’homophobie de son père qui l’aurait rendu pauvre. Par peur d’être « pédé », il n’aurait pas fait d’études, donc vécu dans la misère. Un raisonneme­nt au mieux simpliste, au pire stupide. Le vrai coupable c’est Bourdieu, qui a répété toute sa vie que les incultes resteraien­t incultes. L’entrée d’Edouard Louis à Normale sup est pourtant la preuve que Bourdieu s’est trompé. La jeunesse de l’auteur (25 ans) laisse espérer qu’il découvrira un jour les joies de l’autodérisi­on… Qui a tué mon père, d’Edouard Louis, Seuil, 85 p., 12 €.

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