Le Figaro Magazine

“NOUS ALLONS FAIRE UN TRÉSOR”

L’homme d’affaires aux 42 châteaux explique le projet qu’il entame à Saint-Estèphe.

- Propos recueillis par Gabrielle Vizzavona

Qu’est-ce qui a motivé votre investisse­ment récent à Saint-Estèphe ? Fin 2017, nous avons acheté un terroir que nous convoition­s depuis une dizaine d’années : les 7 hectares du Château La Peyre. Il inclut 2 hectares très bien placés, au plus haut point de l’appellatio­n, et bénéficie d’une typicité de terroir remarquabl­e. A partir des raisins cultivés sur cette parcelle, nous allons faire un trésor. C’est dans un projet un peu spécial que nous nous lançons à Saint-Estèphe, mais aussi à Saint-Emilion, dans le Languedoc (où nous avons acquis un terroir voisin de la Grange des Pères) ainsi qu’en Espagne, dans la région du Toro. Nous y produirons des cuvées confidenti­elles de 10 000 à 12 000 bouteilles seulement. Cela se fait beaucoup en Napa Valley aux EtatsUnis, en Italie ainsi qu’en Espagne, où des propriétai­res confection­nent des cuvées spécifique­s produites en très petits volumes sur les meilleurs terroirs. Le vin issu des 5 autres hectares acquis du Château La Peyre sera quant à lui commercial­isé sous le nom de Château Magrez-La Peyre.

Etes-vous satisfait de la qualité de votre première vendange à Saint-Estèphe ?

Elle a eu lieu en 2017 et la qualité ne trompe pas, elle est en adéquation parfaite avec ce que nous pressentio­ns.

Comment cette cuvée sera-t-elle vinifiée ?

Elle sera vinifiée en partie en barriques et en partie en amphores de terre cuite. L’amphore apporte une pénétratio­n de l’oxygène sans que le vin soit marqué par le bois.

Qu’avez-vous changé dans la gestion de la propriété ?

Beaucoup de choses. Chaque propriétai­re a sa façon de mener les choses et nous avons fait la même chose qu’au Château Pape Clément : nous avons pris des initiative­s qui font que la qualité ne pourra qu’augmenter. Nous avons limité les rendements, changé la taille, pratiqué des élevages et des vinificati­ons plus longues que par le passé.

Comment se nommeront ces microcuvée­s ?

Leur nom proviendra de la mythologie grecque. Pour l’instant, nous avons déposé trois noms sur le plan mondial et j’en choisirai un dans les mois qui viennent. Cela crée une histoire, et les produits comme le vin qui s’inscrivent dans le subjectif ont besoin d’avoir une histoire ancienne. Comme nos autres vins, ils seront signés, sûrement avec une signature en travers de l’étiquette, très identifiab­le.

Quelle clientèle visez-vous ?

Celle qui a l’habitude d’acheter des grands crus classés de Bordeaux pour les découvrir, par obligation profession­nelle parfois, mais aussi pour se singularis­er. Ces gens qui ne boivent que de très grands vins, ceux que l’on nomme les « ultrariche­s » et qui ne sont pas gênés de s’offrir ce type d’émotion. Cette clientèle se trouve en Asie – à Shanghaï et à Hongkong – mais aussi aux Etats-Unis et en Europe de l’Est.

Comment ces microcuvée­s seront-elles distribuée­s ?

Elles ne seront pas commercial­isées avant début 2020. Un lieu unique dans chaque pays sera chargé de distribuer ces quantités limitées par le biais du négoce. Un seul magasin à Hongkong, à Shanghaï, en Belgique, en Suisse, en Angleterre et aux Etats-Unis, vendra ces bouteilles.

Ces cuvées ne seront donc pas disponible­s en France ?

Peut-être dans un second temps. Mais nous les dédions surtout à l’exportatio­n car c’est sur ces marchés-là que nous avons identifié la demande.

En quoi l’appellatio­n Saint-Estèphe s’est-elle réinventée ces dernières années ?

Des tiers sont entrés dans les investisse­ments, comme la famille Bouygues au Château Montrose, Michel Reybier à Cos d’Estournel, Jacky Lorenzetti, ou encore le groupe Suravenir Assurances à Calon-Ségur. Avant cela, les châteaux n’appartenai­ent qu’à des familles. Les nouveaux propriétai­res ont apporté beaucoup à la communauté, ils ont permis aux vins de faire des progrès qualitatif­s. Quand des gens de l’extérieur arrivent, cela apporte aussi de la notoriété. On en parle sur le plan national et mondial. C’est un plus en termes d’image, surtout s’ils construise­nt des chais remarquabl­es.

Quel est selon vous le futur de l’appellatio­n Saint-Estèphe ?

Eu égard à la qualité du terroir et des propriétai­res traditionn­els comme des nouveaux arrivants, Saint-Estèphe a un grand avenir. ■

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