Le Figaro Magazine

“IL FAUDRA SANS DOUTE UNE QUINZAINE D’ANNÉES POUR CHANGER L’ÉPARGNE DES FRANÇAIS”

L’expert financier, qui vient de publier un livre de conseils *, est persuadé que la pierre reste un bon investisse­ment, que le fond en euros n’est pas mort et qu’une résidence secondaire ne doit pas être considérée comme un placement.

- Marc Fiorentino Propos recueillis par Carole Papazian * Votre argent : gérez mieux, gagnez plus !, Robert Laffont, 272 p., 16 €.

Les épargnants sont perdus : il faut construire plus de logements, augmenter l’offre locative, mais la fiscalité s’alourdit sur la pierre. Où est la logique ? N’est-on pas face à des injonction­s contradict­oires ?

Ce n’est pas le cas. Pour moi, le message du gouverneme­nt est très clair : il n’a pas besoin de l’argent des investisse­urs privés pour relancer la constructi­on en France. Il compte pour cela sur les institutio­nnels, les compagnies d’assurances, les gros family offices, les investisse­urs étrangers. Ces acteurs ont suffisamme­nt de liquidités et ils ont recommencé à investir dans l’immobilier résidentie­l. Il n’y a pas de problème de financemen­t de l’immobilier.

La distinctio­n entre investisse­ments productif et improducti­f ne vaudrait donc que pour les particulie­rs ?

Cette distinctio­n vise à résoudre un autre problème, celui du financemen­t de l’économie française. Emmanuel Macron a une culture anglo-saxonne. Il veut transforme­r les mentalités sur les placements. C’est un processus de long terme. Aux Etats-Unis, à la naissance on n’ouvre pas un Livret A, mais un compte-titres ! Et c’est ce compte-titres sur lequel on compte pour sa retraite. Les Français en sont très loin. Bien sûr, ils peuvent continuer à investir dans l’immobilier, mais ils supportero­nt une fiscalité lourde.

Investir en actions à 40 ans pour sa retraite, c’est une bonne idée ; mais il faut plus de doigté à 55 ans.

La stratégie actuelle est de pousser les actifs, ceux qui sont « productifs », à investir dans des actifs productifs. Les autres, les retraités et les plus de 55 ans, sont vus comme ayant déjà un patrimoine. C’est pour eux que la gestion de patrimoine est la plus délicate. C’est une vision politique forte, radicale. C’est aussi une vraie rupture de génération­s. Emmanuel Macron a fait le ménage dans la classe politique, il donne l’impression de faire le même dans la société, en considéran­t les retraités comme des nantis !

Il faut du temps pour modifier les mentalités. Les particulie­rs doivent-ils abandonner l’immobilier locatif ?

Non ! Le message passera auprès du grand public, mais il faudra sans doute une quinzaine d’années (si la fiscalité ne change pas). Pour l’instant, profitez de la fenêtre de tir, celle qui incite les institutio­nnels à investir dans le logement. Elle est liée au très bas coût des crédits immobilier­s. C’est aussi le seul moyen pour le grand public de bénéficier d’un effet de levier. Mais attention, il faut être très sélectif et mettre autant de soin à choisir un bien locatif qu’on le ferait pour sa résidence principale. Ne croyez pas certains vendeurs qui vous promettent que votre investisse­ment rapportera de l’argent de façon certaine.

Quelles sont les fausses idées qui circulent en matière de placements ?

La première est que le fonds en euros est mort. Ce n’est pas le cas, l’assurance-vie est un produit fiscal et de transmissi­on phénoménal et le fonds en euros est un placement qui a sa place dans un patrimoine. Autre absurdité : 500 milliards d’euros dorment sur les comptes bancaires, un quart de la dette de la France. Placez-les sur un (bon) fonds en euros. Il y a aussi trop d’argent sur les livrets A, six mois à un an de dépenses du ménage suffisent. Enfin, on ne gagne pas d’argent en Bourse en ne s’en occupant pas.

Avec la suppressio­n de la taxe d’habitation sur les résidences principale­s, les résidences secondaire­s risquent de coûter de plus en plus cher. Que faire ?

Les résidences secondaire­s ne sont pas des placements, ce sont des biens d’usage et elles coûteront en effet de plus en plus cher. En clair, vous pouvez choisir d’avoir une voiture, ou une résidence secondaire, cela correspond à un mode de vie, mais cela n’entre pas dans une stratégie patrimonia­le. La résidence secondaire est un bien génération­nel, la façon de s’en servir aussi. Dans dix à quinze ans, je fais le pari que les maisons de vacances seront principale­ment partagées sur Airbnb ou d’autres plates-formes. Ce qui sera plus ou moins facile selon la localisati­on. A la campagne, les prix risquent de moins bien évoluer qu’ailleurs…

Tous les épargnants ont-ils vocation à investir en Bourse ?

Non, et je ne pense pas que l’idée soit que les Français investisse­nt sur le CAC 40. Il ne faut pas donner une voiture à des gens qui n’ont pas le permis, il y aura des accidents. L’enjeu me semble être de développer le capitalism­e de proximité avec des actifs actionnair­es de leur entreprise ou qui investisse­nt dans des fonds de gérants reconnus. ■

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