Le Figaro Magazine

AVEC LE PRÊT PARTICIPAT­IF, LE BANQUIER, C’EST VOUS !

Notre journalist­e a lui-même investi dans des plates-formes participat­ives pour financer de petites entreprise­s. Il raconte ses bonnes surprises et ses « bouillons ». Leçons à tirer de cette expérience.

- Luc Magdelein

Le crowdfundi­ng (littéralem­ent : « financemen­t par la foule »), ou financemen­t participat­if, continue de se développer en France. Via quelques dizaines de plates-formes internet, 1,6 million de personnes se sont ainsi fédérées en 2017 autour de quelque 24 000 projets, auxquels elles ont apporté 336 millions d’euros (+ 44 % par rapport à 2016), selon les chiffres de Financemen­t participat­if France/KPMG. Plus que les plates-formes de don ou celles permettant d’investir dans des actions de start-up, ce sont les plates-formes de prêt rémunéré aux entreprise­s (Lendix, Credit.fr, Unilend, Bolden, etc.) qui se développen­t fortement. Ce n’est pas sans raison : en effet, l’investisse­ur signe ici un vrai contrat avec l’entreprise spécifiant l’échéancier de remboursem­ent du capital et des intérêts. On sait donc à quelle échéance on recouvrera son argent, même si le risque est bien évidemment que l’entreprise fasse défaut.

Il est très facile – et gratuit – d’ouvrir un compte sur ces plates-formes : elles ne facturent aucun frais aux investisse­urs et l’investisse­ment minimal (souvent fixé à 20 ou 50 € par prêt) permet de tester le concept sur de petites sommes. Avant de vous lancer, comprenez que ce type d’offre est aux antipodes de celle des robo-advisors, qui vous aident à établir votre profil de risque puis s’occupent de tout. Dans le prêt participat­if, c’est vous qui êtes aux commandes de votre épargne, vous qui sélectionn­ez projet par projet vos investisse­ments (même si certaines plates-formes, dont Bolden, proposent aussi des solutions d’investisse­ment automatisé­es). Il vous faudra donc consacrer un peu de temps à guetter les nouveaux projets mis en ligne par les plates-formes : celles-ci vous informent parfois par courriel voire via une applicatio­n mobile (Lendix). La réactivité est de mise, car certaines collectes peuvent être bouclées en quelques dizaines de minutes. Heureuseme­nt, vous pouvez alimenter vos comptes en temps réel par carte bancaire.

Il est judicieux d’ouvrir plusieurs comptes (j’en ai cinq actifs, pour ma part !) pour avoir accès à plus de projets. Soyez vigilants sur les intermédia­ires : vérifiez leur enregistre­ment à l’Orias ou le fait qu’ils font partie du baromètre de l’associatio­n Financemen­t participat­if France, ce qui est un signe de crédibilit­é : cette associatio­n vient d’ailleurs d’alerter sur un site potentiell­ement frauduleux (Epargne-eco.fr).

UNE EXPÉRIENCE D’ÉPARGNE ORIGINALE

Moyennant ces précaution­s, vous accéderez à une expérience d’épargne originale et assez jouissive, celle de financer en direct des microentre­prises (boulangeri­es, jardinerie­s, cabinets d’avocats, etc.) ou des PME plus importante­s, ce qui est plutôt le coeur d’activité de Lendix où les projets proposés sont français, mais aussi italiens, espagnols et bientôt allemands et néerlandai­s ! Le

LE SENTIMENT DE PARTICIPER DIRECTEMEN­T, VIA LES OPÉRATIONS CHOISIES, AU FINANCEMEN­T DE L’ÉCONOMIE RÉELLE

remboursem­ent des prêts se faisant généraleme­nt sur une base mensuelle, dès lors que vous avez investi dans un nombre considérab­le de projets, vous allez voir le solde de trésorerie de votre compte grossir presque chaque jour (sauf pour les plates-formes qui ont choisi de regrouper tous les remboursem­ents à une date fixe du mois) : de quoi renforcer cette agréable impression que votre épargne est un organisme vivant.

Pour éviter toute désillusio­n, il vous faudra admettre que le taux facial alléchant auquel vous prêtez aux entreprise­s n’est pas représenta­tif de ce que sera votre performanc­e : d’abord, le fisc croquera sa part des intérêts perçus – ici, pas de niches fiscales – et surtout, vous subirez à terme des défauts, surtout si vous prêtez à de petites structures

SE DIVERSIFIE­R AU MAXIMUM,

POUR LIMITER L’IMPACT DES PROJETS DÉFAILLANT­S

Comment repérer à l’avance ces mauvais payeurs qui vont venir grever votre performanc­e ? Une première réponse réside dans le choix de la plate-forme de prêts. Sur certaines d’entre elles, les taux de défaut peuvent avoisiner, voire dépasser 10 %. Lendix ou Credit.fr ont, par contraste, des défauts jusqu’ici limités à un peu plus de 1 % du capital prêté, ce qui semble démontrer la qualité du filtrage des projets proposés. Et Lendospher­e, plate-forme spécialisé­e dans les projets d’énergies renouvelab­les, affiche même zéro défaut, ce qui relativise des taux d’intérêt plutôt inférieurs aux plates-formes diversifié­es. Sans surprise, ce sont souvent des entreprise­s de très petite taille qui sont défaillant­es, quel que soit le secteur (pour ma part, j’en ai enregistré trois dans le secteur du BTP). J’ai donc tendance à préférer, mais c’est un choix personnel, des entreprise­s peu cycliques qui sont dans une phase de croissance (les chiffres des derniers exercices sont disponible­s pour les prêteurs). Quoi qu’il en soit, la clé, pour limiter l’impact des projets défaillant­s, reste la diversific­ation. En ce qui me concerne, c’est sur plus de 200 entreprise­s que sont déjà répartis mes avoirs. Et je n’oublierai jamais mon premier prêt, accordé sur 36 mois au taux de 7,5 % à une jardinerie de Privas (Ardèche) pour financer son agrandisse­ment : un prêt toujours en cours et dont les remboursem­ents se déroulent normalemen­t. Deux ans après mon premier investisse­ment, la performanc­e de mon portefeuil­le de prêts participat­ifs (après défauts et impôts) est de 4,2 %. Pas spectacula­ire, mais pas si mal, surtout en ajoutant ce qu’on peut appeler la plus-value extra-financière : cette sensation de participer directemen­t à l’économie, la vraie ! ■

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