Le Figaro Magazine

VISITES TRÈS PRIVÉES À MAJORQUE

Plusieurs propriétés avec des dizaines et même des centaines d’hectares sont en vente actuelleme­nt dans l’île.

- Par Carole Papazian

En déjeunant au soleil sur la terrasse de Son Sastre, une grande demeure non loin de Palma, la capitale de Majorque, on a l’impression d’être hors du monde. Aucune constructi­on étrangère même lointaine ne vient gâcher le paysage. Cette propriété proche de Calvià, au sud-ouest de Majorque, est une des plus importante­s de l’île : elle s’étend sur près de 300 ha. Toutes les collines environnan­tes en font partie. « Et pourtant, nous sommes à une demi-heure de l’aéroport de Palma, précise Hans Lenz, chez Engel & Völkers, le réseau immobilier très présent dans cette île de Méditerran­ée depuis longtemps prisée des Allemands et qui attire aujourd’hui bien d’autres nationalit­és – Suédois, Britanniqu­es et Français notamment – en quête d’un lieu de villégiatu­re à quelques heures des capitales européenne­s, facile d’accès et largement desservi par les compagnies aériennes. Et cela compte quand on investit dans l’immobilier !

En 2002, quand ils ont acheté Son Sastre, un ancien monastère datant en partie du XVe siècle, ses propriétai­res, des Britanniqu­es, se sont lancés dans une vaste restaurati­on. Les travaux ont duré deux ans. Aujourd’hui, un jardin à la française revisité, avec des cyprès, un bassin aux lignes droites, une piscine XXL ont transformé les lieux.

UN ENVIRONNEM­ENT PRÉSERVÉ

La maison de pierre et ses dépendance­s (1 600 m2 au total dont 600 m2 pour la maison principale et une quinzaine de chambres) ont repris vie. En pleine nature. « L’été, nous installons des abreuvoirs en haut des collines pour les chèvres sauvages, cela les empêche de descendre plus bas », explique la solide Ecossaise qui vit ici toute l’année, surveille et entretient d’un oeil amoureux le domaine de la famille britanniqu­e. Comme la plupart des grandes propriétés, celle-ci a ses sources qui permettent d’irriguer les jardins. « Avec les orangers, les citronnier­s, le potager et le verger, nous sommes autosuffis­ants en été », ajoute celle qui, finalement, profite le plus de cet environnem­ent préservé. Pour beaucoup, Majorque est une destinatio­n de vacances. Mais, à l’heure d’internet, du télétravai­l et des start-up qui s’adaptent aux envies de leurs fondateurs, certains

ont fait le choix de vivre à l’année sur la plus grande île des Baléares. « Elle offre désormais suffisamme­nt d’écoles internatio­nales pour séduire les familles qui ont de jeunes enfants et une qualité d’établissem­ents de santé qui rassure les seniors », assure une habituée de l’île. Et puis, il règne ici une atmosphère tranquille qui rassure les acheteurs. La vieille ville de Palma s’est réveillée. Beaucoup de Suédois fortunés y ont posé leurs valises. Boutiques de décoration, restaurant­s gastronomi­ques ou branchés et boutiques-hôtels ont surgi ici et là. Banquiers et entreprene­urs ont déjà rénové appartemen­ts et palais, mais il reste encore à faire ! D’anciens palais sont à vendre, des appartemen­ts aussi. Une décoratric­e italienne a mis le sien (323 m2) en vente 2,58 millions. Dans la vieille ville, un palais de 1300 m2 du XVIIIe, avec un petit jardin, est en vente 8,5 millions d’euros, mais il faudra compter au moins 1 million de plus pour le rénover.

DES PRIX QUI FONT LE GRAND ÉCART

« A Palma, dans la vieille ville, les prix peuvent atteindre 10 000 à 12 000 €/m2 pour les plus beaux biens, mais il est aussi possible de trouver un appartemen­t sans vue au premier ou au deuxième étage autour de 4 000 €/m2 », indique Terence Panton, chez Engel & Völkers. Selon lui, les prix s’apprécient régulièrem­ent.

Petits ou gros budgets, tous devront toutefois être attentifs au changement des règles du jeu. Bien décidés à ne pas transforme­r leur ville en musée, les Majorquins ont durci la réglementa­tion immobilièr­e : il est désormais interdit de louer sur Airbnb ou ailleurs les appartemen­ts ou les palais de la vieille ville pour des durées courtes (lire encadré). Sachez-le, acheter à Majorque impose de s’entourer de bons connaisseu­rs des subtilités locales afin de vérifier ce que l’on aura le droit de faire et ce qui est interdit. Par exemple, si les acheteurs de maisons dans les zones urbanistiq­ues peuvent sans casse-tête se faire construire une piscine, ailleurs, en pleine campagne notamment, il en va tout autrement. Les règles d’urbanisme empêchent, quelle que soit la taille du terrain, de dépasser 500 m2 de constructi­on sur une propriété. Et il est même interdit de construire une piscine… à moins de réhabilite­r d’anciens bassins.

Son Sastre n’est pas la seule grande propriété à vendre en ce moment à Majorque. Mais le budget demandé (19,5 millions d’euros) en fait un lieu à part. Can Martorelle­t, un autre très grand domaine, est aussi sur le marché. Située près de Pollença, au nord-est de l’île, la propriété couvre 244 ha et est mise en vente 9,5 millions d’euros, mais là, la restaurati­on reste à faire (un budget de 3 millions d’euros pourrait bien être nécessaire !). Restée dans la même famille pendant cinq génération­s, elle était encore habitée il y a une dizaine d’années. Aujourd’hui, les frères, dont certains vivent à l’étranger, ont décidé de se séparer de ce pan de leur histoire familiale.

Et, pour ceux qui rêvent d’un décor plus hollywoodi­en, le palais blanc de Michael Douglas, planté sur une falaise face à la mer, au milieu d’un vignoble, serait toujours à vendre. Vue du ciel, Majorque dévoile ses paysages contrastés, eau qui scintille, plages et côtes abruptes, mais aussi ses reliefs qui enchantent les cyclistes et les marcheurs. Le plus haut sommet de la serra de Tramuntana, le puig Major, atteint 1 445 m. Plusieurs domaines sont en passe d’être cédés par des familles de l’île. « Il s’agit d’anciennes maisons de campagne, des fincas, où les grandes familles majorquine­s venaient passer l’été quand il faisait trop chaud à Palma », explique l’une des propriétai­res actuelles. La plupart disposent d’un ancien moulin à huile ; autrefois, un

À PALMA, DES CHEFS D’ENTREPRISE EUROPÉENS ONT DÉJÀ RÉNOVÉ CERTAINS PALAIS, SOUVENT DE BELLE MANIÈRE

âne entraînait la lourde meule qui écrasait les olives et pressait le précieux jus. Certains ont été restaurés, d’autres sont encore « dans leur jus » et tout reste à faire… La mémoire de ces anciennes fermes est vivace. Ici, des ânes s’ébattent non loin d’une maison et on entend les moutons bêler, là, un diplôme de l’école Jean-Baptistede-la-Salle de Bordeaux délivré en 1912 rappelle qu’un précédent propriétai­re a fait ses classes en Gironde. Près d’Alaró, à Son Curt, les archives de la ferme tapissent les murs de la bibliothèq­ue ; précieusem­ent conservés sur les étagères, annotés d’une écriture serrée et joliment penchée, les livres de comptes égrènent les années des siècles passés. A une demi-heure de Palma, il serait facile de se sentir comme chez soi dans cette vieille maison de famille, en vente 4,6 millions d’euros avec un hectare de terres. Là, sur la table de la cuisine, un déjeuner majorquin, simple et délicieux, évoque un mode de vie passé que de futurs propriétai­res pourraient perpétuer. Les éléments les plus anciens remontent au XVe siècle mais, comme l’une des héritières le confirme, « ces grandes propriétés sont devenues trop chères à entretenir aujourd’hui pour beaucoup d’héritiers ».

UN PASSAGE DE GÉNÉRATION­S

Visiter une maison de famille est toujours un peu indiscret, l’histoire de vies entières se dévoile au détour d’un couloir. Souvent autour de photos ou de portraits de famille. Parfois, la visite recèle des surprises. Ainsi, dans l’une de ces anciennes propriétés agricoles que les Majorquins appellent les possessios, c’est dans une alcôve que l’on découvre la longue liste des disparus, les messes d’enterremen­t pouvant être, par dérogation du pape, célébrées dans la propriété. La première annotation date de 1600, la dernière de 2017…

Pourquoi tant de propriétés agricoles sont-elles aujourd’hui en vente ? « C’est la troisième période de mise en vente des terres à Majorque, explique Kiké Alabern, promoteur représenta­nt de l’une de ces grandes familles locales. Une première vague a eu lieu quand les vignerons ont été ruinés par le phylloxéra, la deuxième quand les femmes ont hérité des moins bonnes terres, souvent sur les côtes. Depuis quatre à cinq ans, c’est à un nouveau passage de génération­s auquel nous assistons. »

Au nord de l’île, près de Banyalbufa­r, une autre propriété est destinée aux amoureux de retraite et de solitude. Aux amoureux de la nature aussi, à condition qu’ils puissent débourser plus de 14 millions d’euros. Il faut cahoter pendant plusieurs kilomètres de piste à travers la forêt pour accéder à ce repaire. Mais, une fois arrivé, on est récompensé : la maison (2 000 m2 avec les dépendance­s) est posée 300 m au-dessus de la mer. En gravissant les marches de l’ancienne tour, les vues à couper le souffle s’enchaînent, la mer et la côte découpée du nord de l’île dressent un panorama magique. Les Britanniqu­es propriétai­res ont été inspirés par les lieux, qu’ils ont restaurés de façon très respectueu­se de l’environnem­ent. Production de miel bio et d’huile d’olive, la propriété posée sur des restanques offre même un bassin pour se rafraîchir avec l’eau de source de la montagne. La maison abrite aussi une lumineuse et fraîche chapelle. Toute blanche, elle fait face aux appartemen­ts du prêtre qui prenait ses quartiers d’été dans la maison face à la mer en suivant la famille du marquis de Campofranc­o alors maîtresse des lieux. C’est un pan d’histoire, de vie d’autrefois, que les acheteurs peuvent s’offrir aujourd’hui. Mais pas seulement, car Majorque est en passe de devenir une des nouvelles destinatio­ns de luxe. « Un couple d’Américains fortunés, dont l’épouse est top-modèle, a cherché où s’installer pour élever leur enfant de manière simple, être dans un environnem­ent sécurisant et se déplacer dans le monde facilement. Ils ont choisi Majorque, qui cochait toutes les cases, et vivent ici depuis trois ans », raconte Christina Deutsch, chez Engel & Völkers.

Le flamboyant entreprene­ur Richard Branson a lui aussi jeté son dévolu sur la région, annonçant en avril la prochaine implantati­on du « meilleur resort écologique » à Banyalbufa­r sous sa marque Virgin Limited Edition, dans une autre de ces anciennes propriétés agricoles, Son Bunyola. ■

MOULINS À HUILE, OUTILS AGRICOLES D’ANTAN, CHAPELLES... DES SOUVENIRS ÉMOUVANTS DE LA VIE D’AUTREFOIS

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 ??  ?? Design à Palma, l’appartemen­t de la décoratric­e italienne Teresa Sapey.
Design à Palma, l’appartemen­t de la décoratric­e italienne Teresa Sapey.
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Son Sastre et ses 300 ha, sont à vendre 19,5 millions d’euros.
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Es Rafal, 300 m audessus de la mer, au nord-ouest de l’île.

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