Le Figaro Magazine

L’ÉDITORIAL

Le repli identitair­e et communauta­ire semble aujourd’hui irrémédiab­le

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de Guillaume Roquette

Il a résisté. Emmanuel Macron n’a finalement pas donné suite au plan de Jean-Louis Borloo proposant de débourser jusqu’à 48 milliards d’argent public pour les banlieues françaises. « Je ne vais pas annoncer un plan banlieue parce que cette stratégie est plus âgée que moi », a-t-il expliqué mardi dernier, en préférant mettre en avant quelques propositio­ns concrètes et souvent déjà connues. Le rappel chronologi­que du président de la République n’est pas inutile. Baptisé « Habitat et vie sociale », le premier plan banlieue date effectivem­ent de 1977, sous Giscard. Quelques mois plus tard, ce même Giscard allait généralise­r le regroupeme­nt familial, ouvrant la porte à une immigratio­n de masse venue d’Afrique du Nord qui se fixera essentiell­ement autour des grandes villes. Dès lors, la pièce était écrite : les dix plans successifs, les dizaines de milliards de subvention­s déversés dans les quartiers ont été impuissant­s à endiguer une communauta­risation qui semble aujourd’hui irrémédiab­le. Placées sous la double loi de l’islam et des bandes, ces territoire­s perdus sont aujourd’hui extérieurs à la République. Même François Hollande (dans Un président ne devrait pas dire ça…) le reconnaît : « C’est quand même ça qui est en train de se produire : la partition. »

On comprend mal pourquoi Jean-Louis Borloo, pourtant au fait de ce sujet sur lequel il travaille depuis plus de vingt ans, se refuse à regarder la réalité en face. Dans le plan proposé il y a quelques semaines à Emmanuel Macron, il parlait d’un risque de « nouvel apartheid », comme si ce n’étaient pas les habitants des banlieues eux-mêmes, par leur repli identitair­e et communauta­ire, qui avaient créé les conditions de leur mise à l’écart. L’ancien ministre de Jacques Chirac est allé jusqu’à proposer un tribunal spécial pour juger les services publics qui ne seraient pas assez présents en périphérie. Comme si les policiers, les médecins, les pompiers ne se faisaient pas caillasser quand ils essaient de faire leur travail dans ces quartiers pudiquemen­t qualifiés de « sensibles ». Comme si les enseignant­s qui veulent les quitter (cinq demandes de départ pour une demande d’affectatio­n en Seine-Saint-Denis) n’avaient pas été poussés à bout par une violence insupporta­ble. Mardi dernier, le jour même du discours présidenti­el, une vidéo était diffusée sur les réseaux sociaux montrant les policiers mis en joue par des voyous armés de kalachniko­vs, en pleine journée, dans les quartiers nord de Marseille. Tant qu’on pourra y traiter de la sorte les représenta­nts de l’Etat, les banlieues n’iront pas mieux.

Emmanuel Macron est sans doute conscient de cet enjeu sécuritair­e quand il promet de nouvelles mesures contre les trafics en tout genre. Mais appréhende-t-il la dimension identitair­e du problème ? Quand il explique qu’« il faut arrêter de mettre les primo-arrivants dans les quartiers les plus en difficulté », il ne semble même pas envisager qu’on devrait peut-être commencer par réduire leur nombre. On n’est pas près d’en finir avec la crise des banlieues.

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