LES CLÉS POUR COMPRENDRE
A Gaza, la Marche du retour, organisée par les Palestiniens afin de commémorer l’exode de 1948, s’est transformée le 14 mai en « marche sans retour » pour 62 manifestants tués par l’armée israélienne. Cette nouvelle crise aggrave encore une situation déjà catastrophique.
1 UN TERRITOIRE ENCLAVÉ ET SURPEUPLÉ
Deux millions de personnes vivent sur cette bande de terre de 40 km de long, et dont la largeur oscille entre 6 et 12 km. Compte tenu de la superficie (360 km2), la densité de la population est la troisième plus importante du monde. Et, avec un taux de fécondité de 4,5 enfants par femme, la pression démographique ne cesse d’augmenter. Administré par l’Egypte de 1948 à 1967, occupé par Israël après la guerre des Six-Jours, le territoire a brièvement été géré par l’Autorité palestinienne, en vertu des accords d’Oslo de 1993. Mais l’arrivée au pouvoir du Hamas, en 2006, et la guerre des factions palestiniennes (islamistes contre Fatah) ont mis fin à cette parenthèse. En désaccord avec le Hamas, l’Autorité palestinienne ne verse même plus les salaires des fonctionnaires locaux. En raison d’un blocus total (terrestre, maritime et aérien), il est quasiment impossible d’entrer et de sortir de Gaza, puisque les points de passage ont été fermés par Israël après la victoire du Hamas, puis par l’Egypte en 2012, suite à un accrochage à la frontière. Le taux de chômage y est record : 48 % de la population. L’activité économique y est réduite à néant et les Gazaouis dépendent complètement de l’extérieur (notamment de l’aide internationale) pour survivre : eau, aliments, énergie…
2 UNE GUERRE DES IMAGES RÉCURRENTE ET EFFICACE
Prison à ciel ouvert pour les uns, base arrière du terrorisme pour les autres : Gaza connaît des violences à répétition, habilement médiatisées voire instrumentalisées par les deux camps. Trois conflits majeurs (en 2009, 2012 et 2014) ont déjà opposé le Hamas à Tsahal. Le scénario est rodé et l’engrenage bien huilé. Les villes israéliennes proches de la barrière de sécurité et de la zone tampon qui ceinturent Gaza sont régulièrement ciblées par des tirs d’artillerie. Des roquettes artisanales Qassam, les activistes palestiniens sont passés aux missiles Grad, probablement acheminés depuis l’Egypte via les tunnels de contrebande. Invoquant sa sécurité et l’autodéfense, Israël riposte avec la puissance de frappe qui est la sienne, ce qui provoque immanquablement des « dommages collatéraux ». D’autant que les radicaux gazaouis n’hésitent pas à utiliser des bâtiments civils pour leurs bases de lancement ou leurs stocks de munitions. A chaque fois, et ce fut le cas pour la Marche du retour, c’est la guerre des images, laquelle est rarement gagnée par l’armée israélienne. On pense évidemment aux photos des émeutiers, dont Israël affirme qu’ils étaient manipulés par le Hamas, abattus par les snipers de Tsahal.
3 UN SENTIMENT D’ABANDON ET AUCUNE PERSPECTIVE
Qu’elle soit otage ou adepte du Hamas, la population gazaouie est à bout : 80 % des habitants sont audessous du seuil de pauvreté et 44 % sont en état d’insécurité alimentaire. A la paupérisation vient s’ajouter l’humiliation : en effet, que ce soit pour l’électricité ou les carburants, son unique fournisseur n’est autre que son pire ennemi, à savoir Israël ! Longtemps, l’asphyxie plus ou moins contrôlée de la bande de Gaza a été compensée par l’aide internationale. Mais l’irruption du Hamas, inscrit sur la liste des organisations terroristes par Washington et les Etats occidentaux, a sérieusement refroidi les ardeurs caritatives. Rien qu’entre 2008 et 2012, cette manne a chuté de 1,8 milliard de dollars à 600 millions de dollars. L’Union européenne, bailleur de fonds historique de la Palestine (700 millions d’euros injectés depuis 2000), continue néanmoins de financer des projets, comme la construction d’une usine de dessalement : 97 % de l’eau n’est pas potable ! Bref, Gaza est une cocotteminute qui menace d’exploser à tout moment. Les jeunes, dont trois sur quatre sont au chômage, accumulent les frustrations et constituent un vivier de choix pour le Hamas. Ce qui promet des lendemains difficiles.