LA CHRONIQUE
Ceux qui refusent la sélection à l’entrée se condamnent à l’avoir à la sortie. De quoi grossir les futurs bataillons de Nuit debout.
de François d’Orcival
Quand ils n’occupent plus, ils bloquent. L’occupation d’une université, ça mobilise beaucoup de monde, ça prend du temps, jour et nuit, ça use le moral et ça finit toujours par l’arrivée des CRS à l’aube. Pour gagner quoi ? Personne ne s’intéresse à vous. Tandis que le blocage des examens n’exige qu’une centaine de militants « insoumis » encagoulés et la complicité de quelques enseignantschercheurs avec un écho médiatique bien plus fort : pas d’examens !
Un écho surdimensionné puisque sur 16 000 examens organisés, on ne comptait que 15 blocages la semaine dernière. Et toujours les mêmes : Nanterre, RennesII, Lyon-II, Paris-I… Est-il vraiment utile de passer des examens dans ces universités-là ? Qui peut croire qu’avec un diplôme de la célèbre université gauchiste Rennes-II sur son CV, un étudiant va pouvoir trouver un job dans le privé ? Et d’ailleurs, que revendiquent les bloqueurs, avec ou sans cagoule ? Que leurs trimestres reçoivent une « validation automatique » – que tout le monde ait 10 ! Ce qui revient à dire que ça ne vaut rien. Zéro.
Le comble du système, et particulièrement dans les filières lettres et sciences humaines (sociologie, philosophie, psychologie), est que 60 % des inscrits de première année sont éliminés en fin d’année ;
70 % au total en fin de deuxième année – seuls
30 % des inscrits obtiennent leur licence ! Que vaut même cette licence sans master ? Et master compris, où sont les débouchés – en dehors de la fonction publique enseignante ? Ceux qui refusent la sélection à l’entrée se condamnent à l’avoir à la sortie. Pourtant, l’administration s’acharne à tenter de faire son métier en faisant passer les examens, en vrai, ou en ligne (lorsque les centres sont fermés, et malgré la valeur relative qu’un tel exercice peut avoir). Pourquoi ? Parce que l’examen, c’est symbolique, c’est la sanction du travail ou de son absence, de la continuité de l’effort ou de son relâchement – à condition que les copies, sur papier ou sur écran, soient effectivement corrigées par des profs… La politique n’est jamais loin ! Les « insoumis » qui bloquent les examens savent très bien ce qu’ils font : ce n’est pas seulement pour nous faire croire à la
« convergence des luttes » en cette fin de mois de mai, c’est parce que les décrocheurs et exclus d’aujourd’hui feront les aigris et les déclassés de demain. De quoi grossir les bataillons des Nuits debout et autres lendemains qui chantent.